J2-4 : la traversée de la Terre de Feu, partie 1

Ushuaia est située au sud de la Terre de Feu, une grande île tiraillée entre l’Argentine et le Chili. La première étape de mon voyage vers le nord consiste donc à traverser cette île en direction de l’un des deux ports permettant le passage vers le continent. C’est assez facile : il n’y a qu’une seule route goudronnée. Sauf que du coup, toutes les voitures (pas si nombreuses car les gens préférent les transports en commun vu les distances impliquées), bus et camions sont sur cette route. J’ai donc décidé de suivre un itinéraire trouvé sur bikepacking.com, qui propose 630km à travers la Terre de Feu avec uniquement 30km sur la route principale. Le rêve, non ? Bon, bien sûr ça implique des pistes à moitié oubliées, des flaques de boues qui n’en finissent pas et des possibilités de ravitaillement plus que minces. Pour ne rien arranger, je pars dans la mauvaise direction car je serai contre les vents dominants – et en Patagonie ils ne rigolent pas. Mais au moins on est tranquille, c’est ce qui compte.

Me voilà donc au matin de mon départ. C’est certes le second départ, mais c’est le vrai de vrai, celui qui lance officiellement mon voyage vers le nord. J’ai de la chance, le ciel est dégagé lorsque je me lève. Tous les voyants sont au vert, il est temps de partir. Bon, une fois prêt le ciel est redevenu menaçant, mais c’est la Patagonie. Je pars donc, joyeux et insouciant, sous la pluie. Elle ne va pas durer, hein ? (elle va durer toute la journée).

Ma tâche pour la première journée est simple : quitter la région d’Ushuaia. En suivant la route, ce serait l’affaire de quelques heures. L’itinéraire que je suis, néanmoins, fait passer par un sentier pas fait pour les vélos. Boue, torrents, arbres morts, buissons, épines…Tout y passe. Le pire, c’est que je ne peux pas me plaindre car j’étais prévenu. Bilan : une fois les 10 premiers kilomètres faciles engloutis, il me faut 6h pour faire les 14km suivant. J’aurais été plus rapide à pied, ce qui est un comble pour le premier jour d’un voyage à vélo. L’avantage, c’est que ça ne peut qu’aller en s’améliorant. C’est l’astuce du voyageur : commencez par une journée misérable, comme ça vous relativiserez les mésaventures des jours suivants.






Je passe la nuit dans une local en béton. Pas très glamour, mais il me protége efficacement du vent qui a remplacé la pluie. Je l’entend mugir et me souffler des défis : « est-ce que tu oseras sortir de ton abri pour m’affronter ? », me crie-t-il. J’ose, et je chancelle. Je serre les dents : il faut que je m’y habitue. Les chaussettes encore mouillées de la veille ont à peine eu temps de se réchauffer avant que je traverse la première rivière. Elle est plus profonde que ce que je pensais, et mes chaussures font de nouveau « pouic-pouic » entre deux coups de pédales.

La piste serpente le long de la côte avant de retourner dans les terres. Ça y est, je vais – enfin – vers le nord. Doucement, je monte vers le premier col de mon parcours. Il n’est pas très haut, mais déjà je me dis que ma plus petite vitesse n’est pas si petite que ça. C’est qu’un vélo chargé, ça ne monte pas tout seul. La descente se fait sur l’ancienne route, une vieille piste défoncée qui sert probablement de terrain de jeu pour des jeeps qui n’arrangent pas son état. Heureusement, en bas m’attend un hôtel 5 étoiles. Certes, il est abandonné, mais les cabanes au bord de l’eau offrent un abri parfait pour la nuit. Au vu de toutes les dédicaces sur les murs, je ne suis pas le premier cycliste à m’arrêter ici.






La nuit fut un délice de calme et de douceur – ça change. La journée s’annonce radieuse, d’autant que les pistes que je dois suivre sont magnifiques, le long de lacs enneigés par les reflets des montagnes alentours. Certes, il y a un peu de vent mais les forêts environnantes me protègent un minimum et ça me laisse tout le loisir d’observer les étangs causés par les castors. Le second et dernier lac de la journée est immense : il remplit en réalité une faille qui sépare deux plaques tectoniques.

À l’autre extrémité du lac se trouve Tolhuin, petite ville que j’atteins en début d’après-midi. Elle est célèbre chez les cyclistes car une boulangerie offre l’hébergement aux personnes assez folles pour venir ici en vélo. Après quelques empenadas (sorte de mini calzone fourrées), je me retrouve donc dans une grande cave avec quelques lits. Et en plus, il y a une bonne douche chaude !

Plus tard dans la soirée arrivent Killian, un français, puis Fan, un chinois. Cette compagnie est plus que bienvenue, même si ça ne fait que 3 jours que j’ai quitté Ushuaia.





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