Il est enfin temps pour nous de découvrir ce fameux parc de Torres Del Paine. C’est la principale attraction touristique de la région (et la seule raison pourquoi le coin est touristique), donc nous payons l’entrée plein d’espoir. C’est relativement cher (25€), mais ce serait dommage de passer à côté.
La piste est cahoteuse et rapidement vallonnée. Ce sera d’ailleurs le jour avec le plus de dénivelé au kilomètre depuis le départ, et malgré la courte distance prévue nous avons rapidement les jambes qui tirent un peu. La route décrit une sorte d’arc de cercle dans le parc, venant se frotter aux pieds des impressionnantes falaises qui bloquent le nord. Le reste du paysage me fait penser à l’Islande, probablement à cause des similitudes du climat et de la géologie (c’est aussi une ancienne zone volcanique).
Killian et moi prenons notre temps entre les différents lacs qui jalonnent notre parcours avant de finalement redescendre vers une autre entrée du parc. Nous avons la chance d’avoir le vent dans le dos, mais nous savons qu’il risque d’être compliqué de trouver un bon endroit pour dormir… À l’entrée nous retrouvons Fan, qui est parti bien plus tôt que nous ce matin. Nous décidons d’aller bivouaquer quelques kilomètres plus loin, là où un mirador offrant une vue sur un lac semble pouvoir nous abriter du vent.
La nuit fut reposante bien qu’agitée : l’abri suffit tout juste à contenir les assauts du vent, et les rafales passent sous le plancher pour venir faire vibrer nos matelas. Nous partons assez tôt car nous devons revenir dans le parc pour pouvoir faire la randonnée en direction du mirador sur les Torres Del Paine. Il faut payer pour pouvoir laisser son vélo, la nourriture est hors de prix, et nous avons encore le prix d’entrée du parc de la veille en travers de la gorge : nous avons vraiment l’impression d’être pris pour des vaches à lait. Heureusement, la rando est plutôt sympa même si bondée. Les gens ici ne sont pas des randonneurs mais plutôt des touristes, donc je passe la montée à les doubler. Killian me rejoint peu après mon arrivée au sommet, et nous attaquons la descente ensemble. Il est beaucoup plus rapide que moi, qui ait un peu de mal avec mes chaussures de vélo.
Plutôt que d’encore nous battre avec le vent pour dormir, nous décidons de profiter du reste de l’après-midi pour aller à Cerro Castillo, petit village frontière à une soixantaine de kilomètres. Nous savons qu’une station de bus offre un abri parfait aux cyclistes ; cumulé avec la présence d’une épicerie, il n’en fait plus pour nous motiver pour ce qui sera finalement une grosse journée.
Une fois installés et rassasiés, nous faisons la connaissance de deux néerlandais qui viennent camper dans leur voiture juste à côté. Ils nous fournissent plein de fruits et légumes qui ne peuvent pas emmener de l’autre côté de la frontière, donc c’est parfait.
Nous partons tous plus ou moins en même temps, mais une fois la frontière passée nos chemins se séparent : les hollandais continuent en voiture (les tricheurs), Killian prend la route et je pars sur une piste. Nous nous retrouvons quelques dizaines de kilomètres plus loin, au niveau d’une station service qui offre du wifi et qui marque le début d’un raccourci cahotique. Je profite de la pause pour nettoyer la chaîne à grands coups d’essence ; je repars avec une transmission qui brille, heureux comme un gamin après Noël.
La piste que nous suivons coupe donc un grand bout de la route, mais est en mauvais état. Heureusement, nous avons le vent dans le dos et avançons tout de même plutôt bien. Je suis certes ralenti par une crevaison (la première), mais nous décidons quand même de continuer plus loin que ce que nous avions prévu afin de profiter de la poussée du vent. Nous atteignons la route, où notre itinéraire tourne vers le nord et donc contre le vent : il est temps pour nous de nous arrêter. Nous dormons sous un auvent d’une maison de l’AGPV, l’équivalent argentin de la DDE.
Je me réveille tôt, et n’entend pas le vent. Je décide donc de partir directement pour tenter de profiter de cette accalmie. Je dis au revoir à Killian, qui passe par El Calafate (que j’ai décidé de contourner) avant de plier bagage. Environ 7km plus loin, je ressens les premiers souffles de vent ; en quelques minutes, je dois rétrograder de plusieurs vitesses et me voilà à forcer sur le plat, seul contre un ennemi invisible mais bruyant.
Le reste de la journée sera simple : avancer contre vent. Pour garder ma motivation malgré ma vitesse qui plafonne à 12km (sur du plat ! Sur une très bonne route !), je m’imagine qu’en réalité je suis en train de grimper un long, très long col alpin. Finalement je passe un dernier petit col après lequel la route tourne suffisamment pour le vent soit dans mon dos : je m’envole !
N’ayant plus d’eau et plus trop de nourriture, je m’arrête dans un petit hotel / camping. J’y croise Jo, cycliste anglaise qui s’est abritée ici en ce jour de tempête. Je décide donc de passer la nuit ici, pour que nous fassions ensemble la longue ligne droite avec vent de face qui nous attend.
Nous partons donc aux aurores, même si le vent ne s’est pas tant calmé que ça cette nuit. La première vingtaine de kilomètres est tranquille, mais ensuite la route tourne pour suivre le rivage d’un grand lac et nous nous retrouvons à batailler contre le vent. Assez rapidement nous mettons en place un ballet, échangeant la place de tête tous les kilomètres afin de garder des forces et le mental.
Heureusement nous voyons le fameux Fitz Roy s’approcher lentement. C’est long, c’est lent, mais El Chalten see rapproche inexorablement. Nous parlons déjà du jour de repos que nous y prendrons.
Enfin nous arrivons dans la petite ville touristique d’El Chalten, nichée sous le Fitz Roy. À l’auberge de jeunesse où nous nous installons, nous apprenons que le seul bateau pour passer au Chili sera dans 3 jours : si nous voulons faire au moins une rando ici, alors ça veut dire que le jour de repos sautera. Qu’à cela ne tienne, nous sommes ici pour visiter : nous décidons de partir le lendemain faire une petite rando sur 2 jours et de prendre le bateau dans 3 jours.