Intro – suite
Un collègue m’a prêté une housse de vélo avec de grands blocs de mousse. Voilà donc à quoi ça ressemblait :
C’est avec ces quelques bagages, pas forcément très lourd (en tout il y en avait pour moins de 35kg) mais assez encombrant que je suis parti de Grenoble à 6h du matin, pour arriver le lendemain à 10h à Kyoto (avec 7h de décalage horaire à ajouter à l’heure française). Entre temps, j’ai dû prendre deux trams, un bus, deux avions et un train. Comme en plus je n’ai pas réussi à fermer l’oeil du voyage, j’ai été des plus efficaces la première journée.
Après avoir retrouvé ma soeur à la gare, nous nous dirigeons vers mon hôtel (K’s backpacker house, ~25€ la nuit en dortoir, personnel très sympathique). Il n’y a que 800m à faire, mais après ce voyage et en portant le vélo sous une chaleur déjà écrasante, ça m’a paru bien long.
Je reste deux jours et deux nuits à Kyoto, le temps de visiter rapidement même si la motivation n’est pas franchement là (je ne suis pas fan des endroits trop touristiques sous la chaleur). Je mets ici quelques photos issues de ces deux jours.
Les japonaises n’aiment pas le soleil, donc les ombrelles sont souvent de sortie
Partie 1 : Shikoku
Jour 1 : Onomichi – Imabari (85km, ~200m D+)
Le lundi matin, c’est le grand départ. Je descends en train à Onomichi (légèrement au nord d’Hiroshima), en prenant d’abord un Shinkansen (l’équivalent nippon du TGV) puis un train local. Mon vélo (complètement remonté) est dans un sac de protection de qualité fabriqué à coup de sacs poubelle 120l et de duc-tape. Les vélos doivent impérativement être intégralement emballés pour pouvoir prendre le train, c’est pour ça que je dois traverser plusieurs gares avec le vélo le moins facile à transporter au monde.
Ca c’est de l’emballage de qualité !
J’ai souhaité partir de Onomichi pour pouvoir emprunter le Shimanami Kaido. C’est une autoroute qui part de l’île principale (Honshu) pour arriver sur Shikoku en passant par tout un tas d’îles grâce à de grands ponts. Une piste cyclable d’environ 75km est aménagée et est réputée comme étant une des plus belles du Japon, voir du monde.
C’est donc vers 11h que je donne mes premiers coups de pédale en direction du premier pont. Je traverse Onomichi en achetant à manger pour mon midi (inutile, il y a des magasins partout). Petite surprise : le premier pont n’a pas de piste cyclable. Après vérification, en effet, la traversée classique se fait en prenant un petit ferry pour atteindre la première île. (Oui, parce que sachant qu’il y avait une piste cyclable, je n’ai pas du tout préparé cette partie de l’itinéraire). Mais bon, il y a une route à côté de l’autoroute, donc la traversée se fait bien. Au niveau du premier village je rejoins la piste cyclable, qui consiste simplement en un balisage particulier sur la route. Mais comme il y a très peu de circulation, c’est pas mal du tout. Et rapidement, je pédale tranquillement au bord de la mer du Japon.
Autour des ponts, la piste se sépare de la route pour nous permettre de traverser sans fréquenter les voitures. Ca donne un très beau passage sous un pont, mais aussi de bonne petites montées pour rejoindre les ponts. Dans une de ces montées, un cycliste arrive à balle en descendant, et en m’écartant pour lui laisser de la place je roule sur un serpent qui traversait la piste. C’est le seul serpent vivant (et mort, du coup) que je verrais de mon voyage.
La piste oscille donc entre littoral, ponts et intérieur des îles. Ca permet de voir aussi quelques villages et temples, des forêts de bambous, des chantiers navals… Finalement, après un dernier pont long de plusieurs kilomètres, j’arrive à proximité de Imabari. Je me dépêche de traverser la ville (pas passionnant) en direction du château, dans la cour duquel je rentre par l’entrée principale. Je prends quelques photos malgré les difficultés d’avoir un bon cadrage à cause des ombres. Il est 18h, le soleil est en train de se coucher (nuit à 19h30). En sortant par l’entrée de derrière, grosse surprise avec une vue sublime sur le château et son plan d’eau. Il y a un petit parc avec une table abritée, je m’installe là pour la nuit après une première journée qui m’a ravi à tout point de vue.
Avant de me coucher, je teste un des bâtons que j’ai amené pour pouvoir monter l’abri : il est bloqué, impossible de l’agrandir. L’improvisation atteint des sommets. Je jette le bâton en me disant que je trouverai un bambou pour le remplacer.
Premiers kilomètres le long de la mer
Et la piste cyclable sous le pont
Le dernier et plus long des ponts (l’île du milieu n’est que la moitié du pont)
Le château d’Imabari vu depuis mon lieu de « bivouac »
Jour 2 : Imabari – aire de repos d’Omogo (90km)
Le lendemain matin je suis réveillé très tôt (vers 5h) par le jour. Ce sera comme ça tout les jours. Il faut un petit moment pour s’habituer à ce rythme calqué sur les heures solaires. Ainsi, midi correspond plus ou moins exactement au milieu de la journée, au contraire de la France où il y a un décalage de 2h.
Avant de partir, je passe dans un conbini me prendre un petit dej à base d’onigiri (boule de riz avec quelque chose dedans) et retourne dans la cour du château. Un groupe de japonais fait de drôles d’exercices, notamment se forcer à rire pendant plusieurs dizaines de secondes. Ça fait un peu peur.
Le début de la journée n’est pas super passionnant vu que je dois sortir de l’agglomération et que ça se fait sur une route assez passante. J’ai déjà du mal, les jambes ne tournent pas bien. Je croise mes premiers champs de riz (photo ! juste pour la forme, parce que j’en verrais beaucoup et des mieux). Une montée assez raide me permet d’atteindre un tunnel ; le revêtement de la route est globalement très bon, même si par endroit le goudron est rainuré dans le sens de la progression, ce qui n’est pas super agréable avec mes pneus assez fins. Je ne sais pas pourquoi c’est fait comme ça, je croiserai cette configuration plusieurs fois. En descente c’est une plaie.
Je fais donc connaissance avec les routes de montagne japonaises. Quasiment systématiquement le col est zappé grâce à un tunnel. Du coup autant je déteste les tunnel en vélo, autant leur vision m’était parfois agréable car ça signifiait quelques dizaines ou centaines de mètres de D+ gagnés ainsi qu’un bref instant de fraîcheur sur les routes les moins fréquentées (sinon un instant de pollution).
Une courte descente plus tard, je quitte la route principale pour remonter une vallée secondaire sur une petite route des plus sympathique. J’adore l’ambiance de ce coin qui semble oublié. Parfois la route se rétréci au point d’à peine laisser la place à une voiture. Je traverse des zones de bambous, des rizières puis une forêts de pins tout droit. Au col se trouve un golf privé (les japonais semblent fans de golf) ; de l’autre côté la descente est très raide, je reste cramponné à mes freins jusqu’à ce que la route s’élargisse de nouveau.
En bas je me retrouve dans une très large vallée urbanisée et avec pas mal de circulation. Ce n’est pas franchement agréable, surtout avec la chaleur. Je fais une longue pause dans un conbini qui offre un petit espace pour manger (avec électricité, pratique). Ensuite je reprends la route, et peu après le début de la montée je peux enfin bifurquer sur une route bien plus tranquille. La montée est sympa, régulière et calme. Le col est l’un des deux seules de tout mon voyage avec un panneau ; de toute façon la plupart du temps la route passe par un tunnel, donc finalement j’aurais fait relativement peu de cols à proprement parlé. Un peu frustrant avec toutes les montées que je me suis tapé.
Le ciel se voile petit à petit, et la descente est presque fraîche. Au milieu de la descente se dresse un mur, quelques centaines de mètres à 15%. Ça fait mal. Je rejoins la vallée de Omogo, que je remonte tranquillement. Quelques kilomètres plus loin se trouve une aire de repos fermée. Elle m’offre un très bon abri, des toilettes, des robinets extérieurs parfaits pour me laver, et de l’électricité. Je décide de m’arrêter là pour la journée.
Il commence à pleuvoir en début de soirée.
Peu après la bifurcation vers le col
Jour 3 : Omogo – Motoyama (105km)
Il a bien plu cette nuit. Heureusement, si le ciel reste bien couvert, je peux pédaler au sec. Ça commence par un faux plat montant d’environ 5km jusqu’aux gorges de Omogo, très beau site naturel. Je pense que c’est assez touristique, mais à 6h du mat il n’y a pas grand monde. Je fais un petit A/R de quelques kilomètres pour les remonter et profiter du paysage. Avec les nuages c’était sympa au niveau de l’ambiance, mais pas top pour les photos ; je regrette un peu le temps des jours précédents.
Lorsque je rejoins la route, elle s’élève brusquement. C’est parti pour 1300m de montée en deux morceau. C’est parfois un peu raide (8, 10% ?) et sur la fin j’en bave un peu. En plus mes cuisses ne sont pas bien reposées des jours précédents et chauffaient dès le début de la montée. J’en avais parlé dans mon trombi, mais pendant une dizaine de jours, le matin j’avais l’impression de ne pas avoir reposé mes jambes, donc ce n’était pas facile du tout. Quoi, vous avez dit manque d’entraînement ?
Enfin bref, je monte à mon rythme « tout à gauche », mais je monte quand même. Moins d’un kilomètre sous le sommet, il commence à pleuvoir, donc je jette toutes mes forces dans la bataille. De toute façon c’est la dernière montée du jour.
Au sommet se trouve un petit magasin de souvenir où j’achète une sorte de beignet. Je le mange sous un abri où se trouve quelques écoliers ainsi que leurs accompagnateurs (aussi nombreux que les gosses). Ils sont rigolos à se tenir bien droit en écoutant religieusement les adultes, autant de discipline qu’à l’armée.
Je vais voir le temple, où un moine m’invite à entrer. Il essaie de m’expliquer à quoi servent certains outils, mais je ne comprends rien. Je crois que le seul mot d’anglais qu’il connaissait était « hello » (surtout qu’il m’a dit ça quand je suis parti), ce qui n’est pas très loin de mon niveau de japonais.
Il pleut franchement. J’enfile ma tenue de pluie, glisse ma casquette sous le casque (indispensable contre la pluie, surtout avec des lunettes), et c’est parti pour une longue descente humide. A chaque virage se trouve un miroir permettant de voir de l’autre côté, c’est super pratique. Toutes les routes de montagnes ont ça, c’est un gros plus lors d’une descente en vélo.
Le reste de la journée est à l’avenant. 90km sous la pluie, c’est long, surtout que même si c’est globalement descendant, c’est une succession de petites montées-descentes. Par contre le secteur est très sympa, avec de belles vallées creusées par d’impressionnantes rivières et de multiples lacs artificiels. La route croise de nombreuses cascades et ruisseaux.
J’arrive à Motoyama alors que la pluie se calme. Je fais quelques courses et vais me mettre sous l’abri du camping gratuit et désert. Je suis vraiment rincé (dans tous les sens du terme), donc je décide de faire une journée courte le lendemain.
Malheureusement je ne verrais que ce panneau
un peu avant le col. La route est à gauche ; elle s’appelle « skyline ».
Jour 4 : Motoyama – Tsurugi (85km)
Je dors mal. Les moustiques me dévorent. C’est le déluge. Je fais une grasse mat’ et me lève à 7h. Même si la pluie s’est arrêtée je ne suis pas très motivé, mais les moustiques m’attaquent en nombre donc je décolle. Je suis une route moyennement passante plutôt moyenne avant de franchir un col (i.e. un tunnel) qui me permet de passer dans la vallée d’Iya. La montée est courte mais intense, avec de bons passages à 10%. Il pleuviote de temps en temps, mais le temps se dégage au fur et à mesure.
la vallée d’Iya est célèbre pour ses ponts de liane. J’avais prévu de m’y arrêter pour la nuit, mais je n’ai fait que 45km et je n’ai pas trop envie de m’arrêter là. Je remonte donc la vallée (faux plat montant). J’ai vraiment une allure de sénateur et je mets tout à gauche dès que la pente dépasse les 4%. Oui, je mouline beaucoup, mais mes cuisses me remercient. Je passe par le village d’épouvantails, c’est un peu spécial. Sinon pas grand chose de notable, même si c’est plutôt sympa et très tranquille. Encore une fois, aucun cycliste alors que l’environnement s’y prête bien. Au col de Tsurugi je croise un daim. Je mange un plat de Udon (nouilles), bon et pas cher (4.5€) au resto du col. Je dors sous une avancé d’un bâtiment.
Le col de Tsurugi est le point culminant de mon parcours (1400m).