6 jours dont 2 zeros, 125mi/200km
Icepus sont partis alors que je prenais mon zero. La prochaine ville est Helena, capitale du Montana, que je voulais éviter car trop grande et inutile (la distance entre Anaconda et Lincoln est de 200km, donc faisable sans ravitaillement surtout vu mon rythme actuel), mais Icepus m’ont convaincu d’y aller. L’argument principal pour moi est que je pourrais y acheter une paire de semelles et peut-être enfin avoir des tendons d’Achille fonctionnels.
Du coup, je pars assez tôt (8h30 – un départ de ville avant 9h, c’est tôt) avec le fantasme de rattraper Icepus avant Helena. Ils ont un jour entier d’avance et la distance n’est que de 120km, donc même s’ils ont prévu de prendre leur temps ça risque d’être compliqué. Heureusement les 40 premiers kilomètres se font sur route puis sur piste (« heureusement », ou l’art de positiver), donc je peux dérouler. Je fais 56km la première journée en terminant lorsque la lumière n’est plus suffisante pour marcher sans frontale. De toute façon s’est facile d’aller vite car le paysage est relativement quelconque et les rares points de vue sont trop brumeux pour être vraiment beaux.
Le lendemain est du même acabit, même si entièrement sur sentiers. Le chemin rajoute une petite surprise sous la forme d’une section bien plus longue que ce qui est indiqué sur l’application (de l’ordre de 25km au lieu de 16km). C’est assez démotivant de se sentir marcher vite mais de voir sa progression si lente sur le GPS. Je ne suis pas le seul à remarquer ces incohérences, mais nous ne comprenons pas comment un tracé GPS (que nous suivons à la lettre) peut avoir une fausse distance. La bonne surprise du jour, c’est que la section qui devait être noyée sous les arbres tombés a été nettoyée la veille, donc finalement je peux garder mon rythme de croisière. Je profite d’une portion avec réseau pour prendre des nouvelles d’Icepus : ils ont trop d’avance sur moi, je ne pourrais pas les rejoindre ce soir. Dommage, je m’arrêterai à 8km de leur camp après une nouvelle journée de 55km.
La journée suivante est très courte étant donné que je n’ai que 8km à faire avant la route d’Helena. Comme je pars assez tôt, j’arrive au col avant même que les rayons du soleil percent le brouillard. A peine je suis au bord de la route qu’une voiture s’arrête sans que j’ai besoin de lever le pouce. Le conducteur me dépose dans la zone commercial d’Helena, au niveau du meilleur restaurant de petit-déjeuner du coin selon lui. Les magasins de sport et le supermarché sont juste à côté, donc je pourrais faire toutes mes corvées avant de me diriger vers le centre-ville, à 5km de là.
Il n’a pas menti : le petit-déjeuner est super bon. Ensuite je vais acheter une paire de semelle et remplacer mes chaussettes. La vendeuse n’a pas l’habitude qu’un randonneur lui tende une paire de chaussettes sales à mettre à la poubelle pour prendre une paire neuve gratuitement, mais le manager lui confirme qu’avec Darn Tough, ça marche comme ça (d’habitude je lave les chaussettes avant, mais là ça ne m’arrangeais vraiment pas de devoir revenir). Après mon ravitaillement, je reste assis sur un trottoir en tentant de trouver ma motivation pour rejoindre le centre-ville lorsqu’un gars vient me proposer de m’amener là où j’ai besoin. Surpris mais content, j’accepte avec plaisir. Dans la voiture, je lui demande pourquoi il m’a proposé : il travaille avec les sans-abris, et il m’a pris pour l’un d’eux…
Il me dépose devant l’hôtel plébiscité par les randonneurs (i.e. le moins cher) et je me prends une chambre. Je n’ai plus qu’à savourer le repos en espérant que la courte journée et les nouvelles semelles suffiront à rétablir mes tendons.
Le lendemain, je suis presque motivé pour partir, mais un regard à l’extérieur et sur la météo me convainc de faire autrement. Le ciel n’est pas joli à voir, il neige sur les hauteurs et il y a un vent de fou. La proprio de l’hôtel m’apprend que deux motards sont à l’hôpital car un camion s’est renversé sur eux à cause du vent. Je rejoins Icepus à leur hôtel et nous passons l’après-midi ensemble à comparer les différentes bières locales. Nous faisons aussi nos plans pour la prochaine section, dont une longue portion est fermée à cause d’un incendie. Heureusement, il est possible de la contourner assez facilement, mais nous devrons marcher longuement sur pistes et sur routes. Ils ont contacté un trail angel pour le retour sur le chemin demain, donc je m’incruste. Au moins je sais quand je pars…
Vers 8h30 le lendemain matin le trail angel passe me prendre à mon hôtel et nous amène au col. Je reste avec Icepus presque toute la journée : il n’y a pas grand chose à voir, donc autant discuter. En milieu d’après-midi nous quittons le CDT pour la variante qui contourne la zone fermée. D’abord nous suivons un réseau d’anciennes pistes minières (il y a des vestiges de ces activités un peu partout) qui nous fait traverser une ancienne ville. Il n’y a quasiment plus d’habitant, mais un panneau nous informe que durant l’exploitation des mines environnantes, plus de 2 milliards de dollars d’argent ont été extraits ici. Ah oui quand même…
La fin de journée se fait dans l’inquiétude : il est tard, et impossible de trouver un endroit où bivouaquer. Il a des clôtures partout et ce n’est pas le genre de coin où on a envie de ne pas respecter la propriété privée. Finalement nous arrivons à Canyon Creek, toute petite ville avec un general store qui propose un camping. C’est la troisième fois que je dors au camping sur le CDT : habituellement j’évite, parce que quitte à payer j’aime avoir le confort d’un vrai lit.
Je fais le pari que le mauvais temps qui doit venir n’arrivera pas dans la nuit et je dors à la belle-étoile. C’est un pari gagnant, et nous partons alors que le disque rouge du soleil transparait derrière les brumes. Rapidement il est avalé derrière les nuages de l’orage et nous passons le reste de la journée sous le mauvais temps. Nous avons une trentaine de kilomètres sur la route à faire et la pluie va et vient. Nous profitons d’une accalmie au niveau du col où nous rejoignons le CDT pour manger, et ensuite nous nous engageons sur la crête qui doit nous amener à Lincoln. La pluie reprend lorsque nous repartons et ne s’arrête que pour laisser place à la grêle. Ces 5h sur la crête non protégée sont les plus misérables de mon CDT. J’ai largement accéléré le pas et Icepus sont loin derrière lorsque j’arrive enfin, trempé et transi, au col routier. Je dois attendre une vingtaine de minutes pour enfin avoir une voiture. Le conducteur prend pitié de moi et mets le chauffage à fond. Il me dépose à Lincoln et je vais au motel que nous visions avec Icepus : il est complet. Le gérant appelle un autre motel (encore moins cher) pour vérifier la disponibilité et m’y redirige. J’y prends une chambre pour nous tous et attend Icepus en prenant la meilleure douche de ma vie. Ils arrivent assez tard et nous allons manger pour célébrer la fin de cette journée. Ça fait 4 mois et demi que nous marchons et c’est la première fois que la météo est si mauvaise – mais on a eu de la chance.
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15-08-2018
Retour sur la piste
Partage de l’eau
Brumes (fumées)
16-08-2018
Bonjour toi #randonneurenmanque
Vous avez vu mes nouvelles chaussures ? (et le caca de grizzly)
Coucher de soleil à travers les brumes
19-08-2018
Ruines d’un pont d’une ancienne voie ferrée minière
Autre vestige minier
Ils sont partouuuut (village de moins de 100 habitants)
20-08-2018
L’avantage c’est qu’on peut regarder le soleil directement
Le soleil va quitter la brume des fumées pour atteindre les nuages de l’orage
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