6 jours, 99mi/160km (demi-journée de pause à Doc’s Campbell)
Au nord de Silver City se trouve la seconde variante officielle (la première est une variante pour le point de départ que plus personne ne prend depuis qu’il y a une navette pour aller à Crazy Cook). Nous avons le choix entre la Gila et les montagnes noires. Ces dernières sont l’itinéraire officiel, mais c’est plus long, très sec et peu fréquenté (donc pas de cache d’eau pour le pauvre randonneur assoiffé). La variante de la Gila suit pendant une grosse centaine de kilomètre le canyon de la Gila. C’est considéré comme le premier « highlight » du CDT, même si ça implique de traverser environ 200 fois (littéralement) la rivière.
Nous attendons ça avec impatience, mais avant ça il faut quitter Silver City. Le matin nous faisons quelques courses complémentaires, et en prévision de mes chaussures mouillées j’achète une paire de tongs pour le bivouac (oui, on est encore assez feignant pour arriver assez tôt au bivouac et apprécier de retirer nos chaussures). Ensuite nous devons tenter de nous motiver pour partir. Un café plus tard, nous décidons d’aller prendre un burger. Il est donc environ midi quand nous arrivons à partir. Malheureusement, la première partie est sur route et franchement inintéressante. Au fur et à mesure nous quittons la civilisation pour rejoindre une belle forêt pleine de rochers. Nous devons faire 16mi/25km pour avoir de l’eau, donc c’est finalement une assez longue journée, surtout que c’est relativement vallonné. Il fait presque nuit quand nous arrivons au livre d’or laissé là par un ermite vivant dans la forêt. Nous sommes content de ne pas le croiser, car il a la réputation d’être très, très bavard. En même temps il ne doit pas croiser grand monde dans ce coin… Nous avons un ou deux kilomètres à faire jusqu’à l’eau. Après plusieurs déceptions, nous la trouvons enfin sous la forme d’un fin ruisseau. Aujourd’hui fut la première fois que nous croisons de l’eau courante, après 8 jours de marche.
Une nouvelle nuit à la belle étoile plus tard, nous voilà en train de passer le premier col d’importance (c’est à dire avec environ 200m de dénivelé – oui, c’est plutôt plat tout ça). Nous basculons dans la vallée de l’un des affluents de la Gila. Nous mangeons une fois au bord de la rivière (C’est beau ! C’est frais ! C’est humide !), puis nous la traversons en sautant un peu partout pour ne pas se mouiller les pieds. Environ 200m plus loin on arrive au bord de la Gila, que nous devons traverser. Bon, bah on mouille les pieds. C’est la première traversée, pas la dernière. Nos pieds seront toujours mouillés pour les 5 prochains jours.
Le programme est maintenant très simple : il suffit de remonter la rivière en essayant de ne pas trop perdre le sentier, qui zigzag d’une rive à l’autre. La rivière serpente dans une étroite vallée qui se transforme en canyon. C’est vert et luxuriant, ça change vraiment. Au milieu se trouve Doc Campbell’s, un endroit avec des sources chaudes et un magasin de souvenir avec à peine de quoi faire un ravito. C’est notre objectif pour demain, et nous espérons y arriver tôt pour avoir une après-midi de détente.
L’avantage de cette section, c’est qu’on ne peut pas vraiment se perdre (plus tard, j’apprendrais qu’un groupe a commencé à descendre la rivière, faisant plusieurs kilomètres dans la mauvaise direction. Vu qu’on a pas besoin de consulter les cartes ici, ils ont mis un moment à s’en rendre compte…). Par contre, la progression est lente, le chemin se perd souvent, les crues arrachent des arbres et couchent les herbes… En chemin nous croisons un autre randonneur dont le filtre a été emporté par la rivière. Il est bien embêté, donc nous lui donnons des pastilles. Du coup, Casper et moi partons en grande discussion philosophique sur la gentillesse : est-ce que ça existe vraiment, ou est-ce que tous nos actes sont motivés par une raison égoïste (en l’occurrence, avoir bonne réputation sur le chemin, préparer le terrain pour le jour où nous avons besoin d’aide, etc.) ? Au moins, ça fait passer le temps.
Comme prévu, nous arrivons assez tôt à Doc Campbell’s. Le magasin propose vraiment le strict minimum et la plupart des randonneurs s’envoie un colis de ravitaillement ici, mais ça demande une organisation que ni Casper ni moi n’avons. Heureusement, les autres autour de nous l’ont, et en plus ils avaient les yeux plus gros que le ventre. Du coup, nous récupérons les surplus, et finalement nous avons un ravitaillement plus que décent.
Le lendemain, nous avalons les 5mi/8km sur route avant le centre d’accueil du parc. Il y a des vestiges « pueblo » (bâtiments pré-amérindiens) dans le coin, mais nous découvrons qu’ils sont encore plusieurs kilomètres plus loin, en dehors du chemin. Nous décidons d’aller les voir, surtout que nous pouvons ensuite couper à travers les collines pour rejoindre la Gila. Nous ne le regrettons pas. Dans une vallée secondaire, sous les falaises se nichent de vieux bâtiments en pierre datant de plus de 700 ans. C’est vraiment sympa à voir, et c’est un très bon rappel concernant l’histoire avant la colonisation (oui, il y avait une histoire avant « les cow-boys contre les indiens ») (attention à ne jamais utiliser ce mot aux US : on dit « native americans »).
Après notre visite, nous revenons un petit peu sur nos pas avant de monter sur les collines. De l’autre côté, nous redescendons dans une petite vallée qui se termine en canyon. Les derniers cent mètres sont vraiment étroits, puis nous débouchons dans le canyon de la Gila. C’est vraiment magique. Nous reprenons notre remontée de la rivière en direction de Jordan Hot Spring, une source chaude perdue au milieu de ce canyon. Nous y passons un long moment, et j’en profite pour trouver la fuite sur mon matelas qui m’empêche de passer de bonnes nuits.
Les jours suivants se suivent et se ressemblent. Comme nous sommes dans un canyon, il fait plus froid que dans les plaines et il gèle la nuit. Nos chaussures et chaussettes sont gelées le matin, et nous devons les tremper dans la rivière pour pouvoir les mettre. Les 10 premières minutes de marche sont parmi les plus difficiles que j’ai jamais faites. À part ça, la progression est sans histoire, et pas très rapide. Trois jours après Doc Campbell’s, nous arrivons à Snow Lake, qui marque la fin de notre remontée de la Gila. Il y a un camping, mais il est encore fermé donc pas d’eau, et l’eau du lac ne fait pas tellement envie. La Gila et son eau claire nous manquent déjà. 🙁 Il est temps de sortir une technique de randonneur : le « yogi-ing », qui est l’art de demander quelque chose à quelqu’un, mais sans lui demander. Nous allons donc voir des pêcheurs pour leur demander où trouver de l’eau à boire, alors que nous savons qu’il n’y en a pas. Ça nous permet d’engager la conversation, et nous terminons avec de l’eau, deux bières chacun (« Vous préférez de la Bud ou de la Coors ? » « On est européen, on ne connait pas… » « Alors prenez les deux et goutez-les ! ») et des burritos maison. Loin de la diabolisation des américains moyen qui votent Trump (ce qui était très probablement le cas de ces pêcheurs), ils sont aussi d’une générosité sans faille.
[xyz-ihs snippet= »CDT-menu »]
16-04-2018
Premiers vestiges miniers
L’ermite a bien choisi son coin
17-04-2018
Un arbre blanc (j’ai décidé de commenter toutes les photos, alors voilà)
Ce n’est pas encore vraiment un canyon
Des fois c’est plus rapide de juste marcher dans la rivière
18-04-2018
Parfois les pentes sont un peu plus abruptes
Dès qu’on s’éloigne de la rivière, c’est sec
19-04-2018
Gila Cliff Dwellings National Monument
Vestige des Mongollon datant du XIIIè siècle
On est loin de l’image des indiens sous les tipis
Je suis aussi jaloux de la vue
Les marcheurs sont bien accueillis
Tout n’est pas rose, mais c’est quand même le pied
20-04-2018
C’est dur de repartir…
La rivière devient de plus en plus petite (mais suffisante pour que nos pieds restent continuellement trempés)
21-04-2018
Fin du canyon et castors
Après Snow Lake c’est toujours sympa
De retour sur une piste pour Jeep
[xyz-ihs snippet= »CDT-menu »]