Jour 5 : Tsurugi – Yura (135km)
Je n’ai pas bien dormi. Malgré mon quilt 350 j’ai eu froid, alors que la température n’a pas dû descendre sous les 5°.
En fait hier j’ai menti. Tsurugi n’est pas un col, vu qu’il y a un petit tunnel pour passer de l’autre côté de la montagne. Dès les premiers mètres, mes jambes tirent comme si j’étais déjà en fin de journée ; heureusement, je commence par une longue descente, d’abord sur une mauvaise route (le moins bon revêtement de mon parcours), puis sur une route moins raide mais plus large et de meilleure qualité sur laquelle je peux avancer à vive allure. Je dérange un troupeau de daims qui se baladait au bord de la route. Ils grimpent le raide talus du bord de la route à une vitesse impressionnante.
La descente se termine par un faux plat qui hésite entre monter ou descendre ; dès que ça monte, je suis obligé de tout mettre à gauche (touriste). Finalement je quitte la route qui devient de plus en plus passante pour prendre une route secondaire qui monte sec en direction d’un autre [del]col[/del] tunnel. L’ambiance est plutôt sympa au milieu de la forêt avec le soleil du matin. La descente se fait encore le long d’une rivière sur une route déserte.
Au fur et à mesure que je me rapproche de Tokushima, la route devient de plus en plus chargée et de moins en moins intéressantes. La traversée de l’agglomération en direction du départ du ferry est longue et chaude. J’étais mieux dans les montagnes.
Au ferry (environ 23€ pour 2h de traversée), l’employé m’indique en anglais que le bateau part à 11h (« ferry leaves at eleven o’clock ») ; mais son accent japonais est tellement prononcé que je lui réponds que je ne comprends pas le japonais… On répète ça trois fois, avant que je comprenne ce qu’il veut me dire (et encore, parce que je savais déjà que le ferry partait à 11h). Avant d’embarquer j’échange quelque mot avec un cyclotouriste japonais (l’un des deux seuls que je croiserai). C’est plutôt sympa, mais ça reste limité vu son niveau d’anglais.
Le voyage se passe bien et le débarquement se fait à l’heure prévue, à la minute près. La suite de la journée n’est pas super intéressante : il s’agit d’abord de quitter Wakayama, puis de suivre une route assez passante le long de la côte. Si le profil ne montre pas de gros dénivelé, l’enchaînement de petites bosses sous la chaleur écrasante est fatiguant. Plus loin je trouve une route qui reste au bord de l’océan tout en étant plus tranquille, même si ça augment le dénivelé. Après le dernier col/tunnel de la journée (150m quand même, sachant qu’on est sur la côte) se trouve un très beau temple désert où aurait été inventé la sauce soja japonaise.
Finalement je m’installe à dans un petit parc à la sortie de Yura pour la nuit. C’est une petite ville de 5000 habitants, mais elle accueille un navire gazier de taille impressionnante.
Il y a beaucoup de moustiques, mais encore plus de vent. Je suis obligé de changé plusieurs fois d’emplacement, et je termine à moitié dans les toilettes, ce qui me force à me battre avec le détecteur de mouvement pour pouvoir dormir sans me prendre la lumière dans la tronche à chaque mouvement. Comme elle reste allumée super longtemps et que je me trompe deux fois de détecteur à masquer, je perds pas mal de sommeil…
Après le ferry, une fois la route principale quittée
Jour 6 : Yura – Kawayu (120km)
Réveil encore une fois assez tôt, surtout que deux personnes sont allées aux toilettes à 5h. J’ai vite tout remballer pour ne pas passer pour le touriste sans gène.
Pour ce soir je me fais un petit plaisir en me dirigeant vers un onsen (bain chaud) gratuit dans la plus pure tradition islandaise. Mais en attendant, j’ai ma centaine de kilomètres quotidienne à faire. Le début est dans la même veine que la veille, avec une petite route côtière qui monte et descend tout le temps. Malheureusement assez rapidement je récupère la route 42 qui monte et descend pareil, mais avec la circulation en plus. Arrivé à Kamitonda je quitte le littoral pour prendre la route 311. Elle est plutôt sympa et remonte dans une vallée qui se rétrécie de plus en plus autour d’une rivière.
Au niveau d’un embranchement, je reste sur la 311 qui prend le nom de « Kumano highway » (ce n’est en rien une autoroute). Un centre d’information explique qu’on est au départ du pèlerinage Kumano Kodo qui permet de relier trois gros temples bouddhistes / shinto en passant par plein de petits sanctuaires et temples et est inscris au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Je décide donc de changer mon itinéraire pour me permettre de passer par les trois temples principaux. J’en profite pour faire une bonne pause au frais avant de reprendre la montée.
Un peu avant le tunnel (qui représente un col, vous avez compris le principe ?), je vais voir sur une route secondaire et je me retrouve devant des petites rizières en terrasse. La classe.
La descente est jouissive. La route descend régulièrement et vole à travers la vallée. Sur la fin les tunnels s’enchaînent, mais les anciennes routes contournent les avancés montagneuses donc je zappe certains tunnels. Ça me permet d’avoir de beaux points de vue sur les vallées et la rivière en contrebas.
Un dernier tunnel me fait passer dans une vallée parallèle où se trouve une petite station thermale. Un onsen se trouve sur les bords de la rivière. Mais finalement je passe plus de temps dans l’eau fraîche, ça fait du bien. J’aime imaginer que ça aide à la récupération de mes cuisses qui me font toujours aussi mal.
Juste au dessus se trouvent des toilettes qui forment un abri parfait pour dormir. En plus y’a de l’électricité. Pour changer, cet après-midi j’avais plus mal aux fesses qu’aux cuisses. Peut-être qu’un jour je n’aurais mal nulle part ?
Au lieu de construire un gros temple, pourquoi ne pas construire un petit sanctuaire avec une miniature de temple ?
Premières rizières en terrasse
La route vole à travers les montagnes
Bain chaud extérieur (et gratuit) au bord d’une rivière
Jour 7 : Kawayu – Nachi (70km)
Aujourd’hui je me prévois une journée tourisme un peu plus light, avec la visite de deux temples importants. Mais pour commencer, entre 5h et 7h30 je me baigne en alternant rivière (c’est frais) et onsen. C’est vraiment agréable et je profite du lever de soleil différemment de d’habitude.
Ensuite j’ai quelques kilomètres jusqu’au premier temple, Kumano Hongu-taisha. Il est encore relativement tôt, mais il commence déjà à y avoir du monde. Je me balade aussi dans les alentours, où se trouve le plus grand torii du Japon à l’emplacement originel du temple (déplacé pour ne plus subir les crues de la rivière).
Je rejoins ensuite la côte en suivant cette rivière. La route n’est pas trop passante, les paysages sympas… J’aime bien. Après avoir suivi le littoral sur une dizaine de kilomètre, je retourne dans l’intérieur des terres pour monter au deuxième groupe de temple (Kumano Nachi-taisha), connu pour sa pagode sur fond de cascade. Il y a de nombreux temples, mais beaucoup de monde et de magasin, ce qui donne l’impression d’être dans un centre commercial. Dommage… J’avais prévu de dormir dans le coin, mais je ne trouve pas d’emplacement (sans chercher vraiment à fond), donc je décide de retourner à Nachi pour dormir au bord de l’océan. La baie est formée par une grande plage bordée par une pelouse avec des tables protégées par des pergolas supportant des plantes grimpantes. Je me cale à un de ces endroits, pas loin de toilettes avec des robinets extérieurs et un tuyau qui me fournit une douche de qualité.
Le soir quelques japonaises viennent faire du yoga à proximité, puis une mère et ces deux enfants viennent s’amuser avec des feux d’artifices. Malheureusement ça ne fait pas fuir les moustiques. Je pense que je suis en train d’établir un record du nombre de piqûres. Dire qu’en France je ne crains pas les moustiques…
Lever de soleil sur la rivière et les sources chaudes
Jour 8 : Nachi – Shimokitayama (70km)
Deuxième journée plutôt tranquille afin de laisser mes cuisses un peu tranquille. Vers 5h45, alors que je suis en train de me préparer, une petite vieille vient me parler. Ca fait plaisir, elle parle plutôt bien anglais donc nous pouvons vraiment échanger. Quand je lui explique ce que je fais, elle a la même réaction que tous les japonais avec qui j’en parle : « Sugoiiiii! » (« Incroyaaaaable », et je n’exagère pas sur la durée de la dernière syllabe). Elle me demande carrément de monter sur mon vélo pour pouvoir me prendre en photo. 😎
La journée commence en revenant sur mes pas de la veille pour aller voir le troisième et dernier temple (Kumano Hayatama-taisha) à 15km de là. Vu qu’il est tôt, les magasins sont fermés et je suis absolument seul hormis quelques moines, donc c’est plus agréables que les temples de la veille.
La suite se fait d’abord le long du littoral. Même si c’est modérément passant, c’est plutôt moyen donc je suis plutôt content lorsque je bifurque vers l’intérieur des terres. Le secteur est en plus très sympa et la montée assez tranquille même si sur la fin ça se raidit. Enfin j’arrive au seul point que j’avais fixé dans mon parcours avant mon départ : Maruyama Senmaida, un site de rizières en terrasse assez impressionnant. J’y reste un bon moment, surtout qu’il n’y a personne. Je repars lorsque des bus de japonais arrivent… J’étais descendu au milieu des rizières, la montée pour reprendre la route est raide et franchit allégrement les 15%.
La route descend ensuite tranquillement en direction d’une autre vallée, qu’il s’agit de remonter sous un soleil de plomb. Je pense que ça a été un des moments les plus chauds de mon parcours (35, 36° ?). Sur la fin, je suis bêtement les panneaux qui annoncent ma destination plutôt que de suivre ma trace, donc je gagne 10km de distance, mais je me tape une montée de 3km à environ 15% pour accéder à un tunnel. Le soleil tape sur les falaises, il n’y a pas un souffle d’air, mes cuisses pleurent et moi je souffre.
C’est donc doucement que je continue jusqu’à Shimokitayama, petit village blotti sous un gros barrage. Une fois n’est pas coutume, je vais me poser au camping dans l’espoir d’avoir une douche et du wi-fi. La gérante me dit d’attendre quelqu’un qui parle anglais, qu’elle appelle. Quand il arrive, il ne sait dire qu’une seule chose : « sorry, I don’t speak english ». A grand coup de traducteur automatique, nous arrivons vaguement à nous comprendre. Je n’aurais pas de douche, mais une entrée à l’onsen du coin. Cette fois-ci il n’est pas sauvage, donc me voilà à poil au milieu des vieux japonais. C’est une expérience. Je passe beaucoup plus de temps dans le bain d’eau froide que dans les autres.
Lever de soleil depuis le sac de couchage
Entrée de Kumano Hayatama-taisha
Peu après avoir quitté la route du littoral
Rivière issue du déversoir du barrage
Jour 9 : Shimokitayama – Minamiise (130km)
J’ai dormi sous les arbres, mais pas assez, alors mon quilt est mouillé. Dommage.
Comme d’habitude je pars tôt. Il faut d’abord monter sur le barrage, puis ensuite suivre le lac dont le niveau est malheureusement assez bas. Mais passé les ouvriers sur le barrage, je ne croise absolument personne, donc je savoure. Quelques kilomètre plus loin, je dois passer un pont qui est fermé et barricadé. Sauf que si je ne peux pas passé, je suis complètement bloqué et dois faire radicalement demi-tour, donc ça ne me motive pas trop. Du coup je fais mon rebelle et je passe outre.
Et je fais bien ! C’est désert (forcément) et super cool. Je passe un second barrage et continue à longer un lac qui se rétrécit petit à petit jusqu’à ce que je me retrouve à remonter une rivière dans une petite vallée. A un moment je vois un petit sentier au bord de la route, donc par curiosité je vais voir en laissant le vélo. Je me retrouve devant une superbe cascade. Moment magique.
Je continue de remonter la vallée jusqu’à un tunnel à l’autre bout duquel des ouvriers travaillent ; j’ai tout juste la place de passer. De l’autre côté, je fais une petite pause lorsqu’un ouvrier vient me voir pour me dire que le tunnel est infranchissable. Oups, fallait me le dire avant. J’attaque la longue descente. Encore une fois les paysages sont magnifiques (je commence à être à court de superlatifs). Encore une fois un sentier me fait de l’œil, donc je vais voir. Il ne mène nulle part, mais je me retrouve au milieu d’une horde de singes. Ils s’enfuient tous sauf un qui me surveille. J’arrive à lui voler une photo floue. Finalement j’atteins un petit village et je croise une voiture, la première en 40km. Autant vous dire que ça a été une de mes portions favorites.
J’arrive à Aiga, où je mange au supermarché. Le reste de la journée consiste à 90 km sur la route côtière 42, rien de bien passionnant… A Minamiise se trouve un petit parc avec toilettes et un abri, parfait pour dormir.