Environ 118km, 4 jours
Même si moins impressionnant, le lever de soleil est sympa aussi. La descente est quelconque, mais le pain au noix (accompagné de d’une tablette de chocolat, forcément) que j’achète aux Haudères est excellent. Je ne dirais pas le prix de ma gourmandise, c’est indécent… (Franchement, 7 euros pour ça ?!)
La montée vers Arolla alterne entre piste et sentier et croise réguliérement la route. Je n’en vois pas le bout. Je traverse rapidement la station, pase devant un hôtel “historique” et de drôle de souches peinturlurées, et retrouve les montagnes. Et les pistes. Et les téléskis. Et les nuages noirs qui s’invitent au dessus des glaciers.
Ils arrivent vite, mais plein d’espoir j’accélère le pas pour passer le col avant eux. Finalement, ils ne feront que passer en lachant quelques gouttes au passage, et je passe le col des chèvres tranquillement. La vue sur les langues des glaciers y est sympa. Tout est gris : la glace sale, les rochers, le ciel… La descente se fait sur des échelles. C’est rigolo, jusqu’à ce que le sentier traverse une moraine plus grande que le Liechtenstein. C’est long, et les nuages sont de retour.
Après quelques zig-zags, je perds patience et je demande à une jeune (occupée à faire un thé, alors que l’orage arrive. Pas de pression.) si je suis sur le bon chemin. Il semble, alors je fonce.
Arrivé au bord du lac, je me retrouve face à un mur d’eau qui descend de la vallée d’en face. C’est plus de la pluie, c’est le déluge qui s’abat sur moi. Mes pieds sont trempés au bout de 100m ; les bras mouillés à travers ma (vieille) rain-cut après 1km. Et toujours ces seaux d’eau qui tombent du ciel. Toute la pluie que je n’ai pas eu depuis deux semaines arrive d’un coup. Je vois une cabane à l’écart du chemin, et vais de son côté en espérant un abri. Il y a un auvent, avec une tables et des bancs, et un couple déjà installé. On se sert un peu et on attend que ça passe.
On discute peu, mais je leur fait pitié avec mes cacahuètes que je picore et, en partant, ils me laissent une barre et du pain presque frais. Ça change des cacahuètes, et je me régale. Le couple est remplacé par la jeune qui faisait du thé. Elle fait un tour du Valais, et son itinéraire (fait maison) est quasiment le même que celui de Bruno. Par contre, ce qu’elle et son sac de 20kg font en cinq jours, je le fais en moins de deux…
Elle décide de planter le bivouac pas loin en profitant du retour du soleil, pendant que moi je vais voir si le chalet plus haut peut m’accueillir. Il est fermé, mais l’ancienne étable est ouverte. Plutôt que de dormir sur le sol détrempé, je m’y installe pour la nuit.
J’ai bien fait de rester à l’abri : durant la nuit, le ciel s’est déchainé et à largué l’équivalent de la mousson indienne sur notre secteur. Je plains la suissesse sous sa tente. Plus tard, je me lève pour satisfaire la nature. Les étoiles disputent aux nuages l’apange du ciel. La brume est sur le lac, et la lune éclaire le tout d’une lumière surréaliste. Je resterais presque dehors pour admirer le tableau. Presque.
Au petit matin, les nuages ont gagné, mais au moins il ne pleut pas. Remettre les chaussettes et chaussures trempées est difficile. Après moins d’une heure de marche, je passe par la Barmaz, où se trouve un refuge non gardé des plus accueillants (16€ quand même…). Tant pis… J’enchaine ensuite trois cols dont le plus bas est à 2800m. Le paysage est en tons de gris : neige blanche, rochers noirs et nuages gris. Un bouquetin prend la pause au milieu des chaos rocheux. C’est le premier “gros” animal que je vois, il était temps.
Je pensais avoir une journée tranquille, avec un dénivelé moindre que d’habitude. Oui, mais le terrain n’est pas roulant, loin s’en faut. J’avance lentement à travers les pierriers, bien plus lentement que ce que j’avais espéré. Heureusement, les nuages s’écartent petit à petit, et me laissent admirer un paysage qui vaut bien la peine de se retrouver trempé au milieu des montagnes suisses.
Lors de la dernière descente (longue, comme toujours), je décide de m’arrêter manger un truc à la cabane de Louvie (ici, les refuges sont des cabanes. C’est un poil plus cher que les cabanes françaises.). Mais à ladite cabane, aucun prix n’est affiché, du coup je me pose devant et dévore mon repas gastronomique à base de galettes, saucisson et fromage.
Je reprends la route, avec comme objectif les 500km. Une fois la vallée atteinte, je dois la redescendre un peu avant de monter en face. Les nuages reviennent en force sur les crêtes, alors quand je trouve un abri je n’hésite pas, même si ça sent plus la vieille bique que la vieille pierre. 496km (officiels) au compteur : j’ai le moral.
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](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC01296.JPG)
Les nuages d’hier sont la brume de ce matin. Je décolle tôt et fonce vers l’Italie. Petit col rapide mais fatiguant, descente à l’ombre, et chocolaaaat à Liddes. Ensuite, faut remonter la combe de l’Â. Certes. Mais faut aussi l’atteindre, et avec toutes ces pistes forestières je tourne un peu. Finalement, en suivant le balisage raquettes pour l’hiver, ça passe. La combe est magnifique, dommage que le début (jusqu’à 2000m quand même) se fasse sur piste… Je m’arrête à la buvette de la tsissette demander la météo (ils ont la 3G !). Beau avec nuages. Yes ! Italie, me voici !
La suite est magnifique, sur un sentier peu marqué. Très bel abri à la Vouasse, le genre de coin où j’aurais adoré passer la nuit. Plus haut, des sables blonds-roux donnent son nom au col du névé de la rousse. Le massif du Mont-Blanc me fait face. Malgré les glaciers qui font grise mine, la vue est toujours impressionnante.
Je descends sous le soleil jusqu’à rejoindre le parcours du TMB. Je n’y coupe pas, je croise les premières hordes de mulets de la journée. Alors que je vais commencer à monter le col du Grand Ferret, en moins d’un quart d’heure les nuages noirs s’ammoncellent au dessus. Je mets le turbo et monte 300m en une vingtaine de minutes. L’orage éclate au moment où j’atteins l’alpage de la Peulaz, qui fait aussi refuge. Je rentre pour m’abriter. Renseignements pris, la nuit (avec douche et électricité) ne coûte “que” 23€. C’est moins cher qu’en France, donc j’en profite. L’orage est court et le soleil revient vite, mais plus tard dans la soirée la pluie me confortera dans mon choix.
Du coup, je ne suis pas en Italie (mais pas loin). Je me débarrase du reste de ma monnaie suisse en achetant tout ce que je peux de tome. Même avec mes 4 francs, j’arrive à avoir un bon morceau, et ils me donnent du pain avec. Dans la soirée, j’emprunte à des TMBistes leur topo de la FF rando : les temps indicatifs sont de 300m de D+ et 450m de D- à l’heure. Wow, ils prennent leur temps. Je discute avec le mec qui me prête son topo. À l’écouter, on croirait qu’il a fait mieux que Lewis et Clarke. Calme-toi, c’est juste le TMB hein… Je ne sais comment, mais il croit que je fais une portion du TMB (peut-être parce que je lis le topo), et commence à me donner des conseils quant à mon équipement. En même temps, je ne paie pas de mine, avec mes baskets et mon petit sac. Son discours change légérement quand il apprend que j’en suis à 500km de marche et que c’est seulement ma deuxième nuit en refuge.
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](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC01353.JPG)
Bon, aujourd’hui, Italie ! En même temps, la frontière est à une heure, et le temps semble se dégager. Je compte aller jusqu’à Morgex pour me ravitailler et dormir dans le coin. Initialement, j’avais prévu de dormir en gite à Morgex (pour recharger les batteries), mais ayant dormi en refuge ça n’est plus nécessaire.
Au col du Grand Ferret, je surplombe le beau Val Ferret. Je suis le premier au col, mais dans la descente je croise tous les TMBistes qui partent à la même heure du refuge en contre-bas. J’ai vraiment du mal avec ces randos pré-formattées, où des moutons suivent aveuglément leurs topos et “le bon sens”, bon sens faisant généralement 70l et 20kg. Pas de MULs dans le lot…
En bas, il y a foule, bitume et voitures. Je remonte rapidement vers le col d’entre deux sex (?), puis je coupe pour rejoindre le col du Bataillon d’Aoste. Je quitte enfin le TMB, mais me retourne réguliérement pour admirer le Mont-Blanc. Le sentier du col du Bataillon d’Aoste est impressionnant : il a été (il y a longtemps) aménagé, probablement par les militaires, et des petits murs de soutènement en pierre supportent ses lacets serrés. Au col, je mange et passe un coup de fil à un ami. J’apprends que ma rentrée, qui devait supposément se faire vers le 24 août se fera le 14 septembre… Bon, j’avais raccourci mon parcours à cause de ça (sinon je serais parti d’Autriche, pour faire encore plus comme Bruno), donc je l’ai un peu mauvaise. Mais au moins, j’ai le temps de profiter de la fin.
Longue descente vers Morgex. En chemin, je me perds. Mes notes : “Descente affreuse. […] Saleté de balisage italien à la con”. Les 1000 derniers mètres de descente se font sur une piste à moitié goudronnée, on a vu mieux.
À Morgex, c’est jour de fête. Je profite du marché traditionnel pour acheter des saucissons bizarres (très tendres, et super bons) et du parmesans 18 mois presque sucré et fantastique. J’achète aussi une nouvelle paire de chaussette pour le bivouac, pour pouvoir marcher avec ma paire encore en bon état qui jusque là ne me servait que pour la nuit.
Je reviens un peu sur mes pas et pose mon bivouac au dessus de Morgex. Aujourd’hui, c’était mon 20ème jour de marche (pour 550km) ; demain, c’est la France ! Par contre, pour y aller je n’ai que des cartes OCM de mauvaise qualité, ça va pas être rigolo…
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