Partie 2 : Bergün – Lago Ritom (Airolo)

Environ 140km, 10200m D+, 5 jours

Après cette nuit très reposante, je pars avant le soleil. 1400m de D+ pour se mettre en jambe, quoi de mieux ? Le soleil est au rendez-vous, les paysages aussi, alors je ne me plains pas. En me retournant, je peux voir d’où je viens. Je suis au premier tournant de ma traversée : j’ai rejoins la trace de Bruno, qui passera ici même dans quelques semaines, et je cesse de me diriger vers le sud pour me tourner vers l’est. Prochain objectif : la France, à plus de 400km, avec d’ici là des petits passages en Italie. J’ai le temps de voir venir.

Passage par le magnifique col des Orgues, où je laisse un petit mot pour Bruno dans une boite, et redescente en vallée, 1600m plus bas. Faut reconnaitre que ce genre de progression n’est pas ultra-motivante… Ça, conjugué avec mon coup de moins bien (je vais avoir les intestins en vrac pendant encore plusieurs jours) et l’impression de ne pas avancer alors que je fais mes 2000m de D+ quotidiens rendront les jours suivant pas facile psychologiquement. Je n’ai jamais pensé à abandonné, mais je passais 10h par jours à me demander ce que j’étais venu faire dans cette galère. Les joies du randonneur solitaire…

Je traverse Savognin puis Riom sous un soleil de plomb, et continue la grimpette de l’autre côté. Je me perd un peu à travers les pistes forestières, et je me pose en bord de chemin, un peu après deux hameaux qui sont complétement habités. Ils sont perdus au milieu de la montagne, à 1900m, avec une bonne route goudronnée pour y monter. Est-ce déneigé en hiver ? En tout cas, les montagnes suisses sont beaucoup plus aménagées que les françaises.




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Sous le col des Orgues


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Le chemin ? Tout droit.


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Le principe : marcher jusqu’au soleil couchant


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Le lendemain, toujours pareil, j’enchaine cols et vallées. Dans la première montée, je passe par Ziteil, “plus haut pélerinage d’Europe”. On est dimanche, le parvis est bondé de dévots qui attendent la messe. Ils sont montés par une piste facile et n’ont rien de randonneurs : je me sens un peu décalé, et ne m’attarde pas plus que le temps de reprendre de l’eau dans les toilettes. Auparavant, je n’avais jamais fait attention à la présence ou non de toilettes publiques ; maintenant, elles représentent un confort bienvenu. Je me dis que mes amis qui me comparent à un clochard ambulant n’ont pas forcément tort.

La suite est délicate, car contrairement à d’habitude le balisage est mauvais, il n’y pas de sentier et le terrain est en dévers. Je me fais une grosse frayeur en glissant sur quelques mètres. Je m’arrête, pantelant, les doigts plantés dans la terre. Ouch.

La Pass Colmet est superbe, mais la descente est du même acabit que la montée. Du coup, quand je croise un alpage et rejoins une grosse piste, j’en suis presque content. Mais je déchante quelques centaines de mètres plus loin : la piste, c’est quand même pas génial, et elle descend jusqu’à 1000m. En face, je vois la montagne que je dois remonter cet après-midi…

Mon ampoule ne va toujours pas mieux, et commence à se transformer en cratère. Je commence à envisager de mettre un pansement (enfin).

Au milieu de la montée vers le Lai Grand où je pense bivouaquer, je passe par Nera, où se trouve un berger. Il ne parle pas un mot de français ou d’anglais, mais quand je lui demande si je peux prendre de l’eau au robinet devant sa cabane il m’offre du sirop à mettre dans ma bouteille. Il m’indique que le lac est à 1h de là. Sauf que je décide (involontairement) de faire du tourisme dans la région, et je me retrouve au mauvais lac (Lai Pintg). Et le coin n’est pas tellement propice au bivouac, entre tous ces éboulis et zones humides… Du coup, dès que je trouve un endroit où me poser, je n’hésite pas et je m’arrête là. Finalement, ce ne sera pas mal du tout.

Remarque toponomo-linguistique : j’arive dans une « zone tampon », où les noms sont parfois en allemand, et de plus souvent en italien. Mais il reste encore plusieurs vallée avant que les autochtones ( :p ) ne parlent italien.

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Vache réflechissant au sens de la vie


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Abri ouvert aux randonneurs. Il est 9h, c’est peut-être un peu tôt pour s’arrêter ?


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Ça pique un peu.


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Sous les lacs Pintg et Grand


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Ce matin, il pleut. J’attends sous l’abri que ça se calme, puis je replie le camps en vitesse. Je rejoins le Lai Grand, qui est plus loin que ce que j’imaginais, et m’attaque au Farc. digl Lai Grand (je ne sais pas ce que veut dire “Farcl.”). Il y a beaucoup de nuages accrochés, donc je suis dans le brouillard. Le paysage semble magnifique, mais je suis occupé à éviter de marcher dans les zones humides qu’à tenter d’admirer les montagnes à travers les trous dans les nuages. Le temps se lève petit à petit quand je descend. C’est très vert, avec beaucoup de cascades et de rivières. Certains passages encore enneigés sont délicats car raides et avec des ruisseaux sous la neige.

Après avoir descendu un peu la vallée, je remonte vers la Tomülpass, puis redescend sur Vals. Comme je vais perpendiculairement aux vallées, le chemin ne fait que des montagnes russes, c’est fatigant. À Vals, je m’achète quelques gourmandises (chocolaaaaat), puis, même s’il est 18h, je prend le chemin qui monte vers la Fuorcla da Patnaul. Je m’arrête à côté de l’alpage de Leisalp, où je me renseigne sur l’enneigement. Pas de soucis, même pour monter au Faltschonhorm (3022m). Du coup, demain je ferais mon premier 3000 de la traversée.









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Bivouac sous bonne protection


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Première nuit depuis presque une semaine où je ne me lève pas : je ne suis plus malade ! C’est parti aussi vite que c’est venu, mais je vais mettre encore deux petits jours avant de retrouver la forme.

Comme d’habitude, je pars tôt, mais à l’alpage ils ont déjà fini la traite. Quelle boulot… En chemin, je peux admirer les sommets et glaciers environnants qui brillent sous le soleil. Quelques nuages trainent et me font craindre une fin de montée dans le brouillard, mais finalement j’ai le droit à ma vue. Ça y est, premier 3000 ! Mais il est tellement facile que ça en est de la triche… Maintenant, il faut redescendre.

Et rebelote : descente à 1400m, puis remontée à 2400m pour rejoindre la Pass Diesrut. Je ne suis pas en forme aujourd’hui, et la fin de la montée se fait à un rythme de sénateur. Je fais l’erreur de m’arrêter manger au milieu, le redémarrage est plus que poussif. En plus y’a du monde partout. Heureusement, ce sont des touristes, donc même en me trainant je peux les doubler, c’est bon pour le moral (on se raccroche à ce qu’on peut).

Après le col, au détour d’un chemin, surprise : le val Greina. Qu’est-ce que c’est beau ! Des accents de Mongolie et d’Islande (n’étant allé dans aucun de ces deux pays, je sais de quoi je parle) au milieu de la Suisse.

Malgré le dénivelé tranquille, je mets du temps à remonter la large vallée. Le Passo della Greina n’en finit pas… Je croise un seul randonneur sur cette partie, mais le refuge en contrebas est bondé. Je craque et m’arrête demander s’ils ont une place. On me répond que, malheureusement, non. Par curiosité, je demande le prix de la nuit : 78€ avec repas. Poliment, je me lamente du manque de place, alors qu’intérieurement je ne demande qu’à prendre mes jambes à mon cou. Je m’enfuis en courant, et dors en bas, dans la vallée, pas loin du départ du câble qui permet de ravitailler le refuge. Résumé de mes pensées durant la descente :


Je passe un coup de fil à mes parents, qui me trouvent un gite/refuge “à proximité de Airolo” (d’après mes parents), qui annonce sur son site des chambres à 45€ avec douches et machine à laver. C’est cher, mais j’ai vraiment besoin de m’arrêter recharger mes batteries (au propre comme au figuré). Du coup, demain je prévois une grosse journée pour l’atteindre.



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Panorama depuis le premier 3000 de la traversée


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Le sublime val Greina


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Marcheur solitaire


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Départ avant le soleil. Il y a eu beaucoup de vent, au point d’arracher une sardine, donc la nuit a été courte, comme toujours. J’étais censé passer par Sasso Lanxone, mais ça me semble très enneigé et raide, donc pour gagner du temps je décide de rester dans la vallée. Je traverse donc la petite station de Campo Blenio avant d’atteindre le Passo di Gana Negra, qui offre une belle vue sur le Lai da Sontga Maria. Dommage qu’il y ait un pylone d’une ligne à haute-tension au milieu du lac. J’arrive à appeler le gite pour ce soir, et il s’avère qu’il est au Lago Ritom, donc bien avant Airolo. Je suis donc large pour l’ateindre, et je me prends une longue pause de midi au Passo de l’Uomo.

La descente vers le refuge est facile et sans histoire, même si le ciel commence à se couvrir. La fin, sur une piste au bord du lago Ritom, est longue même si les alentours sont pas trop moches. Bon, je ne vais pas trop parler du refuge, parce que je vais m’énerver. Pour résumer : c’est une arnaque. Il fait payer les douches de 3 minutes (!) 2€, alors qu’une route monte jusque là et donc que l’approvisionnement en gaz est facile. Avoir le wifi est la croix et la bannière. En guise de machine à laver, il faut donner son linge et payer… 6€ ! Je fais donc ma lessive à la main. De toute façon, il ne me reste plus un kopek ; je dois avoir 20 centimes sur moi. Mais au moins, j’ai une chambre individuelle avec un vrai matelas,ce que j’apprécie après 260km de marche.

J’ai dépassé le quart du trajet ! À partir de là, mon moral remonte en flèche, et je me dirige d’un pas décidé vers l’Italie, puis la France…

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Départ avant le soleil


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