Partie 1 : Sargans – Bergün

Environ 130km, 8200m D+, 5 jours

Départ vers 6h30 de chez moi. Après 5 trains et 0 minutes de retard, me voilà à Sargans, village suisse à la frontière du Liechtenstein. Je rejoins et longe un impressionnant canal avant de le traverser et d’arriver au Liechtenstein. Je passe par un village qui sera mon seul contact avec la civilisation lichtensteinoise avant d’attaquer ma première montée. Dans la forêt comme dans la vallée d’où je viens, je note la présence de Blockhaus. Ils détonnent un peu dans ce paysage, surtout que je ne sais pas trop à quoi ils servent : la meilleure défense du Liechtenstein, c’est que personne ne sait où c’est.

Il est difficile de mettre des mots sur ce que je ressens alors. Ça fait tellement de temps que je rêve de cette randonnée, j’ai du mal à me dire que j’y suis. Mais, petit à petit alors que je monte lentement dans la forêt, je réalise que j’en ai pour un moment : je me suis donné une quarantaine de jours pour rejoindre Menton, à plus de 1000km de là. Sacré programme !

Il fait chaud et c’est raide. Je n’ai pas la forme et je bois énormément à tous les ruisseaux qui dévalent des pentes à chamois qui me surplombent. Vers 18h, j’arrive à une cabane fermée où il y a du bon plat herbeux, un bassin, une magnifique table en bois et la vue qui va avec… Bref, le spot parfait. C’est ici que je passerais ma première nuit.

Je commence à remplir mon petit carnet de route. Je me suis dit que ce serait sympa d’avoir une trace écrite à chaud, et que ça ferait un bon souvenir. J’écris face à la montagne qui rosit doucement et les mouches me tournent autour en essayant avidement de lire. Alors que je parle de tous ces ruisseaux où j’ai pu boire, je note “J’espère que j’aurais pas la chiasse, ce serait con.”. Haha… Ce sera con.

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Départ de Sargans, à la frontière du Liechtenstein


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Premières vues sur les montagnes


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Balzers, seul village du Liechtenstein traversé


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Premier bivouac, premier coucher de soleil… On est pas bien là ?


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Le lendemain, ça ne va pas mieux. J’ai l’impression de me trainer, ce n’est pas bon pour le moral. Heureusement, les paysages sont beaux. Je passe devant un enclos à Lamas : ça change des vaches.

Durant la matinée, je passe 3 cols. Le troisième, où se trouve la Pfälxerhütte (…) me permet de passer en Autriche. Quelques plaques de neige éparses font illusions, mais dans les longues vallées que je traverse les montagnes coulent et les ruisseaux débordent : ce n’est pas une année à neige. Encore une fois, il fait chaud, même si des nuages recouvrent progressivement le ciel. À la mi-journée, je repasse en Suisse. La partie cosmopolite de la traversée est finie, maintenant je vais rester en Suisse un bon moment.

Je m’arrête vers 19h30. J’ai fait 30km tout rond, mais j’ai eu du mal. Une demi-heure après mon arrêt, l’orage éclate, court mais intense. Ce soir, je mange froid. Je ne le sais pas encore, mais c’est ce que je ferais la plupart des soirs, au point de jeter mon réchaud et mon alcool en cours de route.

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Oui, y’a des lamas dans les Alpes.


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Je quitte le Liechtenstein…


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Pour arriver en Autriche


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La neige se fait rare au vu de l’altitude et du début de saison


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Longues traversées de vallées


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Durant la nuit, des éclairs silencieux strient le ciel. Je reverrais la même chose vers la fin du voyage. Un orage d’altitude ?

Au petit matin, les nuages sont encore là mais la pluie s’est calmée. Je replie le camp sous une atmosphère lugubre. Rapidement, la pluie revient, puis l’orage. Aujourd’hui, je devais passer mon premier col à plus de 2500m, mais je change de plan au vu des conditions et décide de passer par la vallée de Saint Augustin et de remonter de l’autre côté. Ainsi, je passe par un col qui n’est “qu’à” 2200m. Durant la descente, je me prends de la grèle. Durant la montée, je me perds dans le brouillard. Au moins, j’aurais tout eu.
Finalement, je trouve l’alpage que je voulais rejoindre. Comme tous les alpages de la régions, c’est un batiment tout en longueur, avec une grande cours devant. Impossible à rater… Sauf dans le brouillard : je ne le vois que quand je suis sur le point de me prendre le mur. Par contre, impossible de trouver le sentier qui monte au col Fürggli. Je demande aux alpagistes présents. Le premier ne parle qu’allemand. Me voilà bien avancé, moi qui malgré mes 5 ans d’allemand ne sait que dire “Ich spreche kein Deutsch” (“Je ne parle pas allemand”). Un second nous rejoint. À ma question de savoir s’il parle anglais, il me répond “A little bit” (“Un petit peu”). En fait, il ne sait dire que ça. Mais grâce à la langue des signes internationale, je retrouve mon chemin.

La pluie cesse en fin de matinée, et le temps se lève peu à peu. Cependant, je laisse l’appareil photo dans le sac, donc pas de photos à part deux prises avant la pluie. Je me pose au fond d’une belle vallée, en espérant que le temps s’améliore pour le lendemain, car je dois passer un col délicat.

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Premières lueurs de l’aube, avant que l’orage ne s’installe pour la matinée


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Les salamandres sont de sortie


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Mes prières ont été excaucées : quelques nuages font de la résistance, mais il fait beau. La montée vers le col Fergenfurgga est magnifique de sauvagerie et de solitude dans un patchwork d’herbes, de neige, de petits lacs et surtout de roches. La descente est longue et fatiguante. C’est l’archétype d’une journée en Suisse : montée d’un col assez haut (entre 2500 et 2900m), puis redescente en vallée (entre 700 et 1700m), et on recommence. Heureusement, les vallées ne sont pas toutes peuplées.

Mes chaussettes sont trempées, et malgré un séchage le midi je ne couperai pas à une ampoule qui heureusement sera la seule de tout le trajet. Je quitte enfin la grosse piste et m’engage vers le fond de la vallée. Passage devant de beaux lacs, et montée au col Jöriflüelafurgga (ah ces noms !) qui ménage encore de superbes points de vue. Pour la preière fois depuis le départ, je croise des randonneurs ailleurs qu’aux refuges, mais personne ne monte jusqu’au col. Il est équipé, mais assez facile.

Je plante le bivouac juste après la Flüelapass, à proximité de la route. Je commence à être malade : j’ai une bonne courante, qui ne me fera pas aller plus vite, au contraire. Pour résumer, je dois faire une pause toutes les 1h30… Nuits y compris. Les jours suivants, je serais un vrai zombie.




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Pause séchage et lavage… Trop tard, j’ai une ampoule


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Départ tôt sous un ciel bleu de bon augure vers la Fuorcla Radönt. Il a gelé cette nuit, le départ n’est pas facile. Heureusement, encore une fois, le col est superbe, magnifié par la neige restante et le temps splendide. Après le col, j’enchaine par deux autres cols et des remontées de vallées face aux belles chaines de montagnes du coin. Je croise mes premiers glaciers, qui ont bien fondu et laissent leurs moraines loin en bas. Au dernier col (Fuorcla Da Funtauna), je fais une petite folie et prends une délicieuse salade au refuge (9€ : laitue, fenouil, carotte, poivron, pomme, brugnon). Des légumes ! Des fruits ! Qu’est-ce que ça fait du bien… Le temps reste au beau fixe : si je ne me trompe pas, c’est la seule journée où je ne verrais pas un seul nuage ! Pas un volute, pas une brume : rien, nada, il fait plus que beau.

Je ne traine pas trop pour arriver avant 19h à Stalden. Je marche d’un bon pas, et arrive finalement à 18h25 devant la supérette, qui ferme à 18h30. Ça c’est du timing. Je découvre avec effarement les prix suisses, et achète 1kg de cacahouètes. Au moins, la composition de mes repas ne sera pas dure à déterminer. J’achète aussi des pommes et des raisins, mais ces derniers ne dureront pas longtemps.

J’ai envie de prendre une douche et d’avoir de vrais toilettes, mais il n’y a pas de gite dans le village. Je n’ose même pas demander le prix des chambres d’hôtel. D’après la carte, il y a un parking à un kilomètre. Je fais l’erreur de m’y rendre et d’y passer la nuit : 19€ pour ce camping miteux, l’arnaque. Le patron et les habitués sont l’archétype du montagnard allemand : bière, accordéon, chants faux et vrai boucan juqu’au milieu de la nuit. Je pense que j’ai succombé et dormi au camping à cause de ma fatigue, mais je me promets de ne pas le refaire. Un de mes voisins est un père français qui tourne en Suisse avec ses gosses. Ça fait du bien de parler un peu, surtout autour du verre de rouge qu’il m’offre. Il me prévient de faire bien attention à ma nourriture parce qu’il y a un renard peu farouche dans le coin.

Je me couche tôt, mais suis réveillé à peine une heure plus tard : le renard est en train de tirer sur mon duvet au niveau de mes pieds ! Je le fais fuire, et me rendors aussi sec (après un passage aux toilettes), après avoir mis un bout de duct-tape sur le trou qu’il m’a fait. Mais moins d’une heure après, rebelote ! Cette fois-ci, il a fais deux autre beaux trous. Un gros morceau de duct-tape m’évite de perdre tout le duvet (il est encore sur mon duvet, il tient bien). Je mets une grosse souche à l’arrière de mon abri, et je ne revois pas le renard. Heureusement, vu mon humeur, j’étais parti pour l’étriper sur place.





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Premier glacier observé


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Il a bien reculé


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Petit luxe : des légumes. C’est bon.


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Arrivée à Bergün, premier ravitaillement après 130km


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