Pour profiter de la fin de l’été, je m’étais prévu une grande boucle dans le massif central d’un millier de kilomètres durant la dernière semaine de septembre. L’arrivée du mauvais temps me forçat à décaler mes vacances pour partir avant l’arrivée de la perturbation. Finalement je n’aurais donc que 4 jours de beau temps. Au vu du dénivelé du parcours, je n’ai pas le choix : je dois le raccourcir. Je décide donc de partir avec ce parcours prévisionnel, puis de l’amender au jour le jour pour retirer certains détours. Mon but est d’arriver jusqu’au mont Aigoual depuis Clermont-Ferrand, en traversant l’une des zones les moins peuplées de France.
Ce parcours traverse plusieurs endroits emblématiques du massif central : les Puy d’Auvergne, le Cézalier et l’Aubrac, les causses puis les Cévennes. Que des petites routes, pas de grande ville ni de circulation : le bonheur du bikepacker. Par contre, beaucoup de dénivelé aussi… Ce sera le facteur limitant pour moi. Je sais que mes jambes ont du mal à récupérer après de grosses journées ; autant dire qu’avec plus de 3000m de D+ par jour, ce sera beaucoup pour moi et je m’attends à avoir du mal après seulement quelques jours.
Le départ de Clermont se fait sur les pente du Puy de Dôme. Une fois les premiers kilomètres sur une route légèrement passantes avalés, je me retrouve sur des petites routes où le tour de France est passé quelques jours plus tôt. Je prends les encouragements pour moi et je continue jusqu’au premier col de mon parcours. La suite de la journée se fait entre les Puy jusqu’aux Monts Dore. Là, je fais quelques zig-zags pour emprunter tous les cols qui mènent à Mont-Dore, au pied du Puy de Sancy. Après ce passage à l’ambiance définitivement alpine, je continue sur des petites routes vallonnées jusqu’à arriver sur le plateau du Cézalier pour le coucher du soleil. Je me trouve un coin parfait pour le bivouac dans une pinède et je m’arrête là pour aujourd’hui, après 135km et 3064m de D+.
Le lendemain, je pars suffisamment tôt pour être témoin du lever de soleil depuis le premier col de la journée, au milieu du Cézalier. Je continue tranquillement, en gardant mes forces pour les bonnes ascensions qui m’attendent. La première d’entre elle est celle du Puy Mary, plus haute route du massif central. J’ai la chance d’être hors-saison, ce qui limite grandement la circulation sur la route et me permet de profiter de cette belle montée. Je redescend de l’autre côté pour manger, puis attaque une bonne grimpette : le col du Pertus et ces 4km à 10% (avec une légère descente au milieu). Il n’est pas très long et se passe sans souci, mais c’est le genre de col casse-patte qui se paie assez chèrement plus tard ou le lendemain.
Comme la veille, je termine la journée en arrivant sur un plateau : celui de l’Aubrac. J’ai un peu de mal à un trouver un bivouac, mais finalement je trouve un emplacement sous un arbre dans un enclos à vache non utilisé. A quelques mètres de mois, des vaches regardent curieusement cet intrus qui vient s’installer chez eux. Au vu de la taille du taureau, je suis plutôt content d’être séparé d’eux pas des barbelés et un mur de pierres sèches. Bilan de la journée : 141km, 3025m de D+.
Le 3ème jour est, comme souvent, le plus difficile pour les jambes. Elles n’ont pas assez récupéré des deux premiers jours et sont lourdes des le départ, et je sais que la journée va être longue. Heureusement j’ai dormi sur le plateau de l’Aubrac, donc les premiers kilomètres sont relativement plat. Je prends mon petit-déjeuner à Nasbinals, village où j’avais dormi lorsque j’avais fait le chemin de Saint-Jacques il y a 9 ans. C’était ma première rando, et on peut dire que j’ai fait bien du chemin depuis.
Après Nasbinals je continue dans l’Aubrac, sur une route absolument sublime. Je navigue seul dans une steppe parsemées de petits troupeaux de vaches. Trop rapidement j’atteins un petit col qui marque le bord du plateau, et je descends en vitesse vers la vallée du Lot et la verdure. Je remonte en face, sur le causse de Sauveterre, avant d’encore une fois croiser le chemin de gorges qui impliquent une bonne descente avant une montée sévère. Ce sont les gorges du Tarn, que je coupe au niveau du sympathique village de la Mallène. Durant la descente je vois la route qui s’élève en lacet, et je ne résiste pas à l’envie d’une grosse pause avant d’attaquer ça.
Je suis de plus en plus lent pendant les montées, et une fois que j’ai fini celle-ci et ai traversé le causse Méjan je m’octroie encore une pause. C’est difficile aujourd’hui, mais je m’accroche à mon objectif du mont Aigoual. Quelques kilomètres vallonnés plus tard, j’arrive au pied de la montée finale. Elle n’est pas très dure, mais ses 14km me semblent interminables au vu de mon état de fatigue. J’arrive au sommet épuisé, alors que je n’ai fait que 125km et 2400m de D+.
Le sommet est plutôt venteux, mais d’après les prévisions météo le vent devrait se calmer pour la nuit. Je trouve une place sous quelques arbres à quelques encablures du sommet et je m’effondre de sommeil. À 23h, je suis réveillé par une frontale : quelqu’un cherche son pote, qui est en béquille et qui était censé les attendre pendant qu’ils redescendaient récupérer leur voiture. Je l’ai bien vu vers 19h alors qu’il commençait à redescendre… J’ai beaucoup de mal à me rendormir car le vent s’est relevé, mais finalement c’est bon… Jusqu’à ce que je me fasse réveiller par une lumière dans les yeux : « gendarmerie nationale ! ». Stress intense. Ils sont aussi à la recherche du disparu, donc je leur réexplique ce que j’ai vu. Une heure plus tard (il est maintenant 3h du mat’), rebelote : les gendarmes viennent me dire qu’ils n’ont pas trouvé le gars, et me demandent donc mes coordonnées car je suis le dernier à l’avoir vu. Ensuite je mets très, très longtemps à me rendormir alors que le vent m’agresse sans pause. À 5h du mat’, un bruit lointain me réveille quelques secondes avant qu’un chien ne me saute dessus : c’est la brigade cynophile qui entame ses recherches. J’abandonne tout espoir de me rendormir et attend le soleil en regardant Youtube sur mon téléphone.
Je n’aurais dormi que quelques heures, alors que la veille était la journée la plus difficile pour moi depuis mon départ. Je ne suis donc pas dans un très bon état pour continuer à faire de longues journées. Le mauvais temps est prévu pour la soirée, avec une alerte orange pour les orages (il y aura deux disparus le lendemain à cause de crues sur les flancs du mont Aigoual). Je décide donc de viser directement pour Alès. C’est majoritairement de la descente, avec un seul petit col et une mer de nuage à traverser. Mais vu ma fatigue générale je n’avance pas très vite, et je n’arrive à Alès que vers midi, après 80km / 500m D+.
Bilan
Le massif central est beau ! Il n’a pas l’aura qu’ont les Alpes auprès des cyclistes, mais il y a tellement de petites routes, de montées sèches et de plateaux ouverts qu’il y en a pour tous les goûts. C’est très facile de trouver un itinéraire tranquille loin de la circulation, surtout si on est légèrement hors-saison comme je l’étais. En plus de ça, les possibilités semblent infinies : j’ai l’impression que je pourrais faire le même parcours sans passer par les mêmes routes. Comparé aux Alpes où il y a souvent une seule route dans la vallée et à travers les cols, c’est assez différent.
Au niveau personnel je suis aussi assez content. Les petites montées ne sont pas mon fort : je préfère un long col régulier suivi d’un temps de récupération important pendant la descente. Je ne savais donc pas trop à quoi m’attendre, et il s’avère que je peux répéter plusieurs jours à 3000m de D+ ce qui est une bonne surprise (certes, à partir du 3ème jour ça devient difficile). Je sais aussi que j’ai une marge de progression importante, donc je suis assez confiant pour la suite si je m’entraîne sérieusement.