A propos de cette section : c’est probablement celle qui nous a laissé l’avis le plus ambivalent. Il y a des passages très beaux et franchement agréables à parcourir ; en contrepartie, il y a aussi beaucoup de villages, de routes et de parties complétement inintéressantes. Heureusement, la section suivante marque l’arrivée définitive dans le désert, et c’est beau et bien et [insérer plein de superlatifs]. 😀
Partie 2
: Fuheis – Jahra (1+5j, 170km)
Lorsque nous nous réveillons, la pluie a repris de plus belle et c’est le déluge. Nous arrivons à nous motiver à sortir pour aller faire les courses, et nous en profitons pour discuter avec Basil (le propriétaire du magasin, qui parle anglais). Il nous apprend que la pluie devrait durer toute la journée, qu’il y a eu un glissement de terrain devant chez lui, et nous conseille très fortement de ne pas continuer. Le retour sous la pluie battante finit de nous convaincre, et nous décidons de prendre un jour de repos. Ce n’est pas forcément de gaieté de cœur que nous choisissons ça, surtout qu’il n’y a pas de wi-fi et qu’il n’y a strictement rien à faire dans ce petit village. Nous passons plusieurs heures à côté du chauffage au gaz, avant de retourner nous blottir dans nos lits lorsque le gaz est épuisé. Il fait froid et la pluie ne s’est toujours pas arrêtée… Et nous qui pensions que la Jordanie était le pays du soleil.
Le lendemain, le ciel est toujours gris mais au moins il ne pleut plus (enfin pas trop). Le chemin jusqu’à Iraq Al Amir n’est absolument pas intéressant, d’autant que c’est majoritairement sur route. Nous ne traînons donc pas trop, et arrivons assez tôt au village connu pour l’imposante ruine de château. Nous voulons nous en approcher, mais un garde (?) nous demande 1 dinar chacun alors que nous pensions que c’était gratuit. Nous repartons donc à la recherche d’un magasin pour acheter de l’eau (et des snacks) avant de prendre une pause. Nous achetons 7l d’eau chacun (1l pour maintenant, 6l pour les 60 prochains kilomètres), nos sacs sont donc bien trop lourds – d’autant que finalement il y a plein de maisons et même d’autres magasins une dizaine de kilomètres plus loin (mais on ne le sait pas encore). Ceci dit, nous sommes du genre à ne pas trop aimer demander de l’eau aux habitants… Nous regardons la suite du parcours : nous devons bel et bien passer par la ruine. Nous y retournons donc, bien déterminés à ne pas payer, et cette fois-ci ça ne pose pas de problème. Un guide (?) présent nous fournit même plein d’explications inutiles sur le Jordan Trail en français. Peu après le château, le balisage disparaît : en fait le chemin n’est balisé que pour les 200 premiers kilomètres.
Nous descendons longuement au fond d’un grand wadi, où nous devons traverser un ruisseau. À cause des pluies, il est assez profond même si peu large et la traversée n’est pas si facile – et nous avons dû garder nos chaussures. La montée est longue et parfois bien raide. Comme on est vendredi, nous avons droit à une polyphonie d’appels à la prière. Nous ne comprenons rien, mais c’est assez rigolo de comparer les tons et intonations des muezzins. L’un d’eux à des accents martiaux, et nous ne serions pas étonnés qu’il soit en train de faire un appel au djihad. Nous terminons la montée en hors-sentier et nous mangeons. Peu après, nous passons une meute de chiens (au moins 12) qui nous entoure et nous insulte. Heureusement que nous commençons à être habitués ; si ça nous était arrivé le premier jour, nous aurions probablement rebroussé chemin et pris le premier avion à destination de l’Europe. La suite de la journée n’a rien de remarquable (même si c’est mieux que la première partie). Nous voulons atteindre la source de Moïse (source que Moïse aurait créé en brisant un rocher avec son bâton – ce serait bien plus crédible s’il n’y en avait pas une autre plus loin au sud). Au niveau d’Husban, nous voyons pour la première fois la mer morte, avec en prime un semblant de coucher de soleil au dessus. Peu après, une voiture s’arrête ; c’est une famille (les parents et trois enfants) et ils sont très curieux. Les choses en amenant une autre, nous nous retrouvons (seuls) dans une sorte de cabanon en dur avec un repas. Comme il recommence à pleuvoir, nous sommes absolument ravis de ce retournement de situation, même si nous sommes à 4km de là où nous voulions aller.
Remarquez la longueur de la laisse. Et il a passé la nuit comme ça…
La météo n’est toujours pas top
Le wadi à traverser – il faudra remonter en face
La traversée – impraticable s’il pleut
Coucher de soleil sur la mer morte
La nuit dans la cabane est bonne, et c’est bien reposés que nous partons le lendemain à 5h30. Nous commençons par rejoindre la source de Moïse, que nous contournons (y’a des bâtiments et tout, c’est pas une source sauvage). Une petite montée plus tard, nous sommes au sommet d’une petite montagne. La descente est rigolote : c’est en hors sentier au fond d’un wadi sauvage, et nous apprécions vraiment ce passage. Heureusement que le ciel est gris mais sans pluie, sinon ce serait moins marrant. Nous croisons plusieurs hordes de moutons et de chèvres accompagnés de leurs bergers. Nous faisons une petite pause en bas, avant de remonter en face. Heureusement, la montée est longue mais peu raide. D’en haut nous avons une belle vue sur la mer morte, vers laquelle nous descendons. Nous n’allons pas jusqu’à elle mais nous arrêtons sur un plateau désertique la surplombant. En bas nous mangeons en vue de la route ce qui fait ralentir les rares voitures qui passent – heureusement qu’elles ne sont pas assez nombreuses pour que ça cause un accident. Un troupeau passe aussi à proximité, donc nous nous retrouvons entourés de chiens aboyant tout ce qu’ils peuvent. Ils partent finalement tous, sauf un qui se calme et qui gagne des biscuits pour la peine. Malheureusement, dès que nous repartons les autres chiens reviennent à la charge et même notre nouvel ami retourne sa veste.
Nous nous lançons dans la longue traversée du plateau. Nous allons vers le sud, parallèlement à la mer. Plusieurs camps bédouins jalonnent notre parcours et l’ambiance est définitivement au désert. Nous devons ensuite passer un petit col pour pouvoir redescendre au fond du wadi. Les nuages se délitent lorsque nous arrivons en haut du col, et le début de la descente se fait dans les chaudes couleurs du soleil couchant. Malheureusement, ça veut aussi dire que nous devrons mettre les frontales quelques 10 minutes avant d’arriver au fond du wadi, ou coule un bon ruisseau. Nous campons un petit peu au dessus, sur une petite plateforme tout juste assez grande pour une tente et un dormeur à la belle-étoile.
Le système de wadi / canyon que nous allons suivre
Pour le moment pas de sentier, il faut improviser – et ce n’est pas toujours évident
Parfois il y a de petites sentes, pas forcément meilleures
Vous les voyez ces belles sangsues ?
Le plateau au dessus de la mer morte
Soleil et reflet sur la mer morte
En arrivant au wadi Zarqa Ma’in, nous sommes entrés dans la section que la JTA a nommé « Three Wadis » (« les trois wadis »). En effet, en l’espace de quelques dizaines de kilomètres, le chemin traverse trois des plus importants wadis de Jordanie : wadi Zarqa Ma’in, wadi Hidan, et wadi Mujib (qui fait 1km de profondeur, tout de même. Moralité : nous allons avoir de belles montées-descentes. En guise de mise en jambe, nous commençons par 600m de D+ pour sortir du wadi. En haut, nous devons faire quelques petits kilomètres sur route avant de partir en hors-sentier (et de tremper nos chaussures dans l’herbe trempée). Nous suivons ensuite un petit wadi des plus sympathiques, où nous croisons un renard qui nous fait une démonstration de sa vitesse ascensionnelle (et il va vite). Plus loin nous retrouvons une petite piste qui nous descend plus ou moins lentement en bas du wadi Hidan. Nous devons retirer nos chaussures pour pouvoir le traverser, donc nous en profitons pour faire la pause de midi et pour sécher nos affaires.
Quoi de mieux pour digérer qu’une petite montée ? C’est donc reparti pour une deuxième montée de 600m. Et celle-là est raide ! Elle fait 4,8km, avec environ 1km de plat au milieu. Autant vous dire que quand ça monte, ça ne fait pas semblant. Au sommet, nous arrivons sur le plateau qui sépare les wadis Hidan et Mujib. Nous suivons longuement le bord du plateau et ses vues impressionnantes sur les canyons avant de bifurquer sur une sente de bergers pour descendre dans le wadi Mujib. Elle se perd facilement, et nous faisons l’erreur de croire que nous pouvons improviser en allant tout droit. En fait non, et maintenant nous devons remonter pour retrouver la sente. Nous arrivons finalement en bas au terme d’une longue descente (800m). Nous décidons de continuer un peu et suivons donc le wadi alors que le soleil se couche. Nous trouvons facilement un très bon spot de bivouac avec de gros rochers nous protégeant du vent, et nous préparons pour une bonne nuit de sommeil.
Lever de soleil sur le wadi Zarqa Ma’in
Arrivée sur le premier plateau
Même si parfois le chemin est à improviser
Sur le plateau entre les deux wadis
Aujourd’hui une bonne journée nous attend. Dommage qu’elle soit aussi majoritairement inintéressante, sauf le début et la fin. Nous commençons par une bonne petite montée (1200m tout de même) pour sortir du wadi (je sais, je répète beaucoup ce mot, mais pas trop le choix : on en croise tout le temps). Le soleil se lève pour nous accompagner, mais la montée est souvent à l’ombre ce qui nous permet de ne pas avoir trop chaud dès le début de la journée. Nous atteignons ensuite le plateau, et là commence la partie pas drôle : une bonne vingtaine de kilomètres sur routes plus ou moins passantes.
Et attention : nous acceptons un thé ! 😀 Ca y est, nous goûtons le fameux thé berbère, une grande première pour moi qui n’aime pas le thé. Et en fait c’est bon… Parce que c’est (très) sucré. Nous discutons quelques temps avec le berger qui nous l’a offert avant de nous lancer dans la longue traversée du plateau. Rien de passionnant à raconter – forcément, c’est de la route, c’est plat, il ne se passe rien. Pour la première fois nous mettons nos écouteurs pour écouter de la musique. La route est assez passante, et tous les taxis et bus qui passent nous klaxonnent pour savoir si nous souhaitons y monter (oui, mais non). Heureusement, nous avons un brin de chance : la circulation est déviée pour cause de travaux, et nous avons droit à plusieurs kilomètres de calme relatif.
Pendant la pause de midi, une femme descend d’un bus juste devant nous et se dirige vers nous. Elle ne parle pas anglais, nous n’avons toujours pas appris l’arabe (déjà qu’on ne s’arrête pas pour boire du thé, alors autant vous dire qu’on n’a pas le temps d’apprendre une nouvelle langue). Mais grâce à la magie de la langue internationale des signes, elle nous explique qu’elle est mariée à un mouton (qu’elle imite fort bien d’ailleurs). Qui sommes nous pour juger ? Un petit temps de réflexion plus tard et une nouvelle interprétation nous vient : elle est mariée au berger qu’on voit au loin. Elle part ensuite rejoindre son mari, et nous ne savons toujours pas pourquoi elle a pris le temps de nous raconter tout ça.
En milieu d’après midi, nous traversons un dernier village où nous achetons du pain Taboon. C’est merveilleusement bon, et j’en mange trop. Heureusement, nous suivons maintenant une piste qui descend dans… un wadi (et oui). Il est d’ailleurs assez sympa malgré la proximité de la civilisation. Nous en sortons par une montée bien, bien raide qui nous fait arriver directement aux portes de la vieille ville de Karak. Nous traversons le bruit et le chaos en direction du château, où nous espérons trouver un hôtel. Le seul que nous trouvons est celui déconseillé par le topo, donc nous allons demander conseil à la « police touristique » (oui ça existe, et ils sont vachement bien armés – au moins on est sûr que les touristes ne foutent pas le bordel ici). Ils nous demandent notre budget (« moyen bas ») et nous dégotent un hôtel à 25€ la nuit. Nous attendons beaucoup trop longtemps le gars de l’hôtel qui vient nous chercher, puis nous retraversons le bruit et le chaos. Forcément, l’hôtel est presque là où nous sommes rentrés dans la ville. L’autre personne y travaillant parle bien anglais, ça facilite les choses. Nous arrangeons les détails (lessive, chauffage et tout le tintouin) et nous allons nous effondrer dans la chambre. 45km, 1500m de D+ sans ombre et avec beaucoup trop de goudron, ça fatigue.
Glorieux lever de soleil sur les vaillants randonneurs (peut-être que j’en fais trop là :D)
Wadi Mujib et Anchor (choisissez la version que vous préférez, moi j’aime bien celle-là)
Chiot réfléchissant au sens de la vie : « aboyer ou ne pas aboyer ? Telle est la question »
Le paysage pendant plusieurs heures…
La circulation est parfois dense
Le wadi sous la vieille ville de Karak
La journée suivante n’est pas top non plus : nous sommes en pleine transition entre la verdure du nord et le désert du sud, et malheureusement ça implique pas mal de civilisation un peu partout. L’asso qui gère le chemin est consciente de ça et ils sont en train de chercher un meilleur itinéraire. Je pense qu’ils veulent garder Karak (le château de celui-ci étant très connu, c’est assez logique), mais du coup ça complique probablement les choses. En plus de ça, la météo est plutôt grise. Avant de quitter la ville, nous faisons notre ravitaillement, et nous achetons du pain Taboon en guise de petit déjeuner. Deux fois : une fois aux épices, une fois à l’anis. C’est vraiment trop bon. Nous quittons la ville en passant sous le château, puis nous suivons un piste à mi-hauteur d’un wadi.
Lorsque nous ressortons du wadi, nous constatons que le ciel gris est en fait noir derrière nous. Nous nous lançons dans une course contre l’orage. Un couple âgé s’inquiète pour nous et nous invite à rester chez eux, mais il est à peine 14h donc nous préférons continuer notre course. Quelques gouttes d’eau plus tard, nous ressortons gagnant alors que nous voyons l’orage rester dans notre dos. La suite de la journée est assez tranquille. Comme souvent après avoir quitter une ville, nous ne sommes pas hyper motivés et nous décidons de faire une courte journée. Le topo indique un emplacement de bivouac dans un large wadi, mais nous ne trouvons rien d’intéressant, d’autant que le vent fait son grand retour. Un peu plus loin, nous voyons une grotte à mi-hauteur du wadi. Nous décidons de monter voir ce que ça donne, et bingo! C’est parfait pour la nuit. Il est tôt et nous n’avons fait qu’une vingtaine de kilomètres, mais ça nous va bien. Un peu plus tard la pluie s’invite – nous sommes ravis de notre abri.