165mi/267km, 9.5 jours dont 1 jour de repos
Après Snow Lake, il y a une dernière section plutôt jolie, puis c’est de la piste jusqu’à Pie Town. Rien de particulier à dire, à part qu’il fait chaud et qu’il n’y a pas tant d’eau que ça. Cette partie n’est pas folichonne, même si parfois, le matin ou le soir, les couleurs sont jolies. Et voilà qu’en 3 phrases, j’ai résumé 4 jours et 160km de marche… En revenant sur cette partie après la fin, je me rends compte qu’on était lent, à peine 40km par jour. Je pense que j’avais déjà les capacités pour faire plus, mais j’avais encore une sorte de blocage psychologique vu qu’avant de partir je m’attendais à faire 40km pour les plus grosses journées. Bref, le cerveau est aussi important que les jambes.
Pie Town, c’est 62 habitants, 6 églises, 4 restaurants, 0 magasins de nourriture. C’est aussi l’une des étapes incontournables du chemin. Il y a 20 ans, Nita, une habitante de Pie Town, a vu un cycliste qui passait devant chez elle. Ils ont discuté, et elle lui a proposé de passer la nuit chez elle avec sa famille. C’est devenu une habitude pour elle de proposer l’abri aux voyageurs. Lorsqu’elle a déménagé à quelques kilomètres de Pie Town, elle a conservé la maison en la laissant ouverte pour les cyclistes et randonneurs. Pas de réservation ou quoi que ce soit, prix libre, et atmosphère absolument fantastique. De très loin le meilleur endroit où passer la nuit sur le chemin. Nous avons d’ailleurs décidé – comme beaucoup de gens – de prendre un zéro ici, c’est à dire un jour de repos complet. Le premier, et c’est tellement bon.
Nous y rencontrons beaucoup de monde, et ce serait trop long de tous les lister. Les plus notables sont Perpermint Skunk (qui avait commencé avec Casper), Dodgy, Larry Boy et Da Bear. Ce sont ceux qui vont marcher plus ou moins avec nous jusqu’au Colorado (mais ça on ne le sait pas encore). Nous rencontrons aussi un voisin qui a été déployé en Afganhistan et qui depuis consomme et vend un peu tout ce que vous pouvez imaginer (mais avec lui la weed est gratuite pour les randonneurs #bonplan). Il nous explique longuement comment, s’il ne fume pas avant de dormir, il se réveille au milieu de la nuit en se pensant de retour en Afghanistan. La pitié pourrait être le premier sentiment qu’on ressent s’il ne se baladait pas avec un énorme revolver à la ceinture ; du coup c’est plutôt l’incompréhension qui domine. Comment quelqu’un qui avoue de lui-même avoir des problèmes psychiatriques peut avoir le droit de porter ça ? Lui ne voit pas le problème : les policiers les plus proches étant à 1h30 de route, il faut avoir de quoi se défendre, et au moins lui a eu une formation aux armes. Le débat sur les armes à feu est vraiment complexe, et les européens ont souvent ce type de discussion sur le chemin (Lone Star, en bon texan, possède 17 armes à feu, donc il était la personne idéale pour que Casper et moi puissions débattre du contrôle des armes à feu avec un connaisseur).
La section suivante est connue pour être l’une des moins intéressante du chemin, donc nous prenons un raccourci. Ce n’est que de la piste, mais au moins c’est plus court. Nous marchons avec Dodgy et Larry Boy ; ce dernier étant un baptiste très pratiquant, ça nous permet de changer de sujet de débat (Dieu/la religion/le libre arbitre). Mais même le débat le plus passionnant ne peut pas complétement faire passer le temps au milieu de ces plaines sans fin, donc je continue et finis mes Harry Potter en livres audio. Nous subissons notre premier orage : il pleut pendant au moins 10 minutes. Bon, je vais vous lâcher un scoop : encore une fois, j’aurais été extrémement chanceux avec la météo tout au long de la rando, avec moins de 10 jours de mauvais temps. J’ai aussi trouvé une bougie d’anniversaire à la Toaster House, et plantée sur un cinnamon roll c’est un parfait gateau d’anniversaire pour Casper. En guise de cadeau, Dodgy partage sa weed (mais vu qu’il partage toujours, je ne sais pas trop si ça compte). J’avais prévu de ramener de la bière, mais malheureusement les canettes n’ont pas passé la seconde nuit à la Toaster House. D’après les cartes, nous sommes dans un coin utilisé par les traficants pour larguer des colis de drogue par avion, donc déconseillé pour y dormir. Heureusement, durant la nuit seuls les coyotes s’échangent leurs jappements.
Nous montons au bord d’une falaise qui surplombe les badlands, une grande plaine de lave. La redescente en hors-sentier face à une grande arche me rapppelle mes meilleurs moments dans les Alpes, dommage que ce soit si court. Sur le parking où nous faisons une pause, une famille prend pité de nous et nous offre DES POMMES. Miam ! Un peu de route plus tard, et nous retrouvons le chemin officiel. À l’intersection se trouve une cache d’eau maintenue par des trail angels. Sans ça, cette section serait très difficile à gérer du point de vue l’eau, donc un grand merci à eux (qui ne liront jamais ce retour en français). Nous avons décidé de suivre le chemin officiel dans la mauvaise direction (c’est à dire revenir vers le sud, même si le chemin va vers l’ouest). C’est un peu compliqué à expliquer, mais au final nous devons traverser le champ de lave pendant une dizaine de kilomètres. C’est beau, mais c’est pas facile.
De l’autre côté du champ de lave, autre parking. Cette fois-ci on nous offre des myrtilles. Puis c’est reparti sur de la piste (une autre variante officielle), mais au moins on est dans une vallée/canyon, donc ça change un peu. Après un puit-moulin-à-vent (avec de l’eau superbement claire) nous retrouvons Larry Boy qui est déjà installé pour une nuit à la belle étoile. Je pense que 90% de mes nuits au Nouveau-Mexique se sont faite sans la tente. C’est un tel plaisir de ne pas avoir à monter l’abri et de voir les étoiles (même si j’ai pris beaucoup moins de photo de ciel étoilé que ce que je pensais, vu à quel point j’étais fatigué en fin de journée). L’arrivée vers Grants est interminable, sur une route avec des milliards de chiens dans les jardins qui nous aboient dessus. Grants est très étendue (9000 habitants), et le consensus est que c’est la pire ville sur le chemin (le seul qui a bien aimé cette ville était un allemand d’une cinquantaine d’année – est-ce qu’elle lui rappelait l’ex-RDA ? :p ). Nous arrivons du côté du McDo, donc nous participons à la relance du capitalisme américain avant d’aller à la Poste, ou nous retrouvons Perpermint Skunk. Il cherchait à se motiver à partir, mais nous le remettons dans le droit chemin et il passe la journée avec nous pour repartir le lendemain matin.
Nous passons la nuit dans un hôtel juste à côté du Walmart, donc notre ravitaillement est une autre occasion de soutenir un fleuron du capitalisme. Pour oublier ça, nous allons à Outlaws, qui est probablement le seul bar ouvert ce soir. Bonne soirée, qui augure un départ difficile demain.
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22-04-2018
Maintenant c’est environ 200km comme ça. Oui.
23-04-2018
On n’est pas les seuls à avoir besoin d’eau
Heureusement qu’il y a des couchers de soleil
24-04-2018
Regal horned lizard (je crois)
25-04-2018
Toaster House – j’aime
27-04-2018
Le truc que je veux pas croiser quand je dors
28-04-2018
Les coyotes ont hurlé toute la nuit
J’aime bien cet abri – merci à Bruno
L’eau est bien claire, c’est cool
Vieille cabane tout juste bonne en cas de grosse tempête
29-04-2018
Les premiers cactus en fleur
El Mapais national monument (« mauvaises terres »), un immense champ de lave
La descente. On ne dirait pas, mais ce fut un peu funky.
30-04-2018
Au moins le paysage est sympa…
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