2 jours et demi, 56mi/90km
Le surlendemain de mon arrivée à Lordsburg, nous repartons en milieu de matinée. Nous, car je suis maintenant avec Casper, un danois d’une trentaine d’année et grand spécialiste du camino (il en a une dizaine à son actif). La tempête de sable s’est calmée, mais les vents sont toujours violents et il est difficile de garder une trajectoire rectiligne. La première partie de la journée est en hors-sentier à travers une plaine sans aucun abri, donc nous devons souvent tourner la tête pour ne pas ne prendre des nuages de poussières dans les yeux. Les boules de tumbleweed roulent autour de nous et l’ambiance est définitivement au désert (le type de désert pas accueillant). Nous devons passer plusieurs barbelés, ce qui ajoute un peu de piquant à cette portion monotone. Heureusement, plus tard dans la journée nous arrivons dans les premières vraies collines du parcours, où nous croisons… des arbres ! Alors certes, ils ne sont pas très majestueux et des esprits chagrins diraient que ce ne sont que de grands arbustes, mais c’est toujours de l’ombre et une protection contre le vent.
À 15mi/24km se trouve la première source d’eau de la journée (et la seule), un puits avec une éolienne. C’est un endroit tout désigné pour une grosse pause, et c’est donc sans surprise que nous croisons plusieurs autres randonneurs qui ont eux aussi choisi de manger ici. Nous repartons une bonne heure plus tard en compagnie de Lone Star, un texan qui a commencé avec moi. Nous faisons 5mi/8km afin de passer une sorte de petit col et bivouaquer dans une vallée à l’abri du vent. C’est la première fois que je ne campe pas seul, mais comme nous arrivons après le coucher de soleil, ça ne change pas grand chose par rapport à mon organisation habituelle. Il n’est pas facile de trouver un spot plat et sans cactus, et finalement je dors directement sur le sentier (de toute façon il n’y a pas grand monde qui passe par ici). Durant la nuit, je peux voir la voie lactée à travers la clairière, et j’arrive à me motiver à prendre une photo.
Le jour suivant nous marchons d’un bon pas afin d’aller manger près d’une source. Dit comme ça, on pourrait s’imaginer une eau fraiche et clair, mais il s’agit d’un abreuvoir à vache remplit d’algues et d’autres objets non identifiés (communément appelés « floaties »). C’est comme ça pour la majorité des points d’eau du Nouveau-Mexique, donc il faudra s’y faire. Parfois l’eau a un goût si prononcé qu’il faut mettre de la poudre (c’est comme du sirop ou une citronnade, mais en poudre et très sucré). Lone Star ne se sent pas bien et reste au point d’eau alors que Casper et moi repartons. Nous sommes en milieu d’après-midi lorsque nous devons franchir le premier dénivelé significatif du parcours. Ce n’est que 500m, mais il fait chaud et c’est assez raide. Après le sommet, nous restons un moment sur la crète boisée et nous pouvons admirer les grandes plaines brûlées par le soleil autour de nous. Avant d’y redescendre, nous nous arrêtons à « mud spring » (« source boueuse ») qui porte bien son nom tant l’eau est trouble. Nous devons passer près de 45 minutes pour la filtrer. Je continue à écouter mon livre audio commencé avant Lordsburg (Harry Potter), et je crois que le tome 3 sera maintenant à tout jamais associé au souvenir de devoir presser une bouteille aussi fort que possible pour filtrer une eau qui ne donne pas envie d’avoir soif.
Nous redescendons par un petit canyon sympa mais déjà dans l’ombre et bivouaquons une fois au pied des montagnes. Le lendemain est une journée CDTesque : 8mi/13km sur route non goudronnée, puis 12mi/19km sur route goudronnée. Heureusement qu’au bout il y a une ville pour nous motiver (bière ! douche !), parce que ça nous a déjà paru bien assez long. Surtout que, alors qu’il nous reste encore plusieurs longs et chauds kilomètres à parcourir, une voiture s’arrête et Lone Star nous propose un voyage tout confort. Contrairement à lui, Capser a fait le choix de suivre la philosphie « continuous footsteps », qui veut que la trace de pas soit continue du Mexique au Canada et non coupée par du stop ou un autre moyen de locomotion. Le stop n’est autorisé qu’en aller-retour (par exemple pour aller en ville), avec un retour au même point. Comme ça me parait une idée pas si bête, je reste avec Casper et nous refusons l’offre. L’avantage, c’est que j’ai une nouvelle bonne raison de râler pour les prochains kilomètres.
Arrivés à Silver City, notre premier réflexe est de nous poser dans un bar et commander une bière. Si pour la nourriture, les américains ne sont pas fameux, il faut reconnaitre qu’en bières ils sont pas mal. Où qu’on soit, dans le plus petits des troquets ou station service ou au milieu d’une mégalopole, il est possible d’acheter des bières locales issues de micro-brasserie qui sont souvent très bonnes. Je n’ai quasiment jamais bu de bières de grandes marques (Coors, Budweiser), qui pour le coup sont plutôt très mauvaises. L’arrêt au bar est aussi l’occasion de contacter les autres personnes qu’on connait pour savoir où ils restent pour la nuit. La plupart d’entre eux a fait du stop et est donc arrivée avant nous, et nous les rejoignons au RV park (camping pour camping car, avec un emplacement pour les randonneurs). Ce n’est que le début de l’après-midi (les 20mi/30km sur route ont été avalés à toute allure et nous étions partis tôt), donc nous avons tout le temps voulu pour le triptyque de l’arrivée en ville : manger, ravitaillement, lessive. Ce sont les corvées que nous faisons souvent le plus vite possible afin de ne plus rien avoir à faire. La lessive se fait souvent par chargement de 2 ou 3 randonneurs afin de n’occuper qu’une seule machine, donc c’est le plus motivé qui s’en occupe après que tout le monde ait pris sa douche. Cette randonnée a d’ailleurs été pour moi l’occasion de redécouvrir le plaisir simple mais pourtant si bon d’une douche chaude (ou fraiche, selon les moments).
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13-04-2018
Le seul relief de la matinée
Casper au milieu de pas grand chose
Cette section est bien balisée
C’est pas tellement douloureux, mais j’en ai une dizaine…
Le puits des ingénieurs
Bah ça se boit bien (filtrée)
On bascule de l’autre côté
Un autre nuit à la belle
14-04-2018
Encore une fois la nuit est belle
Je suis un artiste
Cactus mort
Balisage et Lone Star
On peut faire une pause ?
La vie est rude dans le coin
Toujours pas de fleur
15-04-2018
C’est chiant de marcher sur la route
C’était pas une blague, c’est vraiment chiant
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