Environ 150km, 10500m D+, 6 jours
Je me lève assez tôt après une bonne nuit, prêt à me lancer dans la partie finale de mon parcours. Mais avant ça, je m’octroie un petit déjeuner gargantuesque. Juste avant de partir, je règle ce que je dois. Pour une raison inconnue, la gérante m’offre gentiment le petit déj’. Est-ce parce que j’ai dû dormir dans la mezzanine (où j’étais très bien) ? En tout cas, je conseille le gite, l’accueil y est très bon, même si je suis passé un soir où il y avait plus de monde qu’habituellement.
Je pars en même temps que le groupe, un peu avant 7h. Cependant, eux laissent une impressionnante pile de valises, et partent en voiture pour éviter les quelques kilomètres de bitume qu’emprunte le GR5. Il faut avouer que le chemin n’est pas top, mais ça me permet de me mettre en route, et j’avance bien en prévoyant une journée plus difficile ensuite.
La route s’arrête en bas du vallon du Lauzanier, où on rentre officiellement dans le parc du Mercantour. Le secteur est beau, mais très aménagé. Heureusement, il est tôt et je suis presque seul. Je passe les lacs du Lauzanier et de Derrière la Croix, au niveau duquel je redouble le fameux groupe. Une bonne montée plus tard, et je passe le pas du Diable.
Je suis encore le GR au début de la descente, jusqu’aux lac d’Agnel. J’y croise pour la dernière fois Moumou et E., avec qui je discute quelques instants avant de leur dire au revoir. Quatrième adieux, rien que ça. Mais là, nous partons sur des chemins très différents, donc si nous nous revoyons c’est qu’il y a un problème.
À partir de là, je quitte le GR pour rejoindre le pas de Morgon. La traversée du Salsa Moreno et le début de la montée se font en hors-sentier, avant que je ne distingue une sente sur la gauche. Au début j’hésite à la rejoindre, mais quand je vois un grand troupeau de moutons en face et les patous qui l’accompagnent, je prends la sente qui me mène aux lacs de Morgon. La suite jusqu’au pas est simple, et j’enchaine rapidement avec le col du Fer et le collet de Tortisse, avant de redescendre vers le refuge de Vens. Je mange derrière le refuge, puis m’engage sur la sente du pas de Vens. Le début est tranquille, la fin fatiguante car dans les gros blocs.
J’avais envisagé de dormir dans la cabane du pas de Vens, surtout que des orages sont prévus, mais j’ai la forme et le temps se maintient à peu près, donc je continue. Une traversée dans un pierrier plus tard, je franchis la brêche Borgonio et attaque l’affreuse descente. Tous les deux pas, je crois d’énormes araignées qui tissent leurs toiles entre les blocs. Miam.
Il y a de très beaux spots au lacs de Ténibre, mais j’ai envie d’avancer malgré les quelques gouttes qui tombent. Le ciel est clair, donc je ne m’inquiéte pas et ataque la montée vers le Ténibre. De ce côté c’est assez impressionnant, et la fin se fait dans un décor minéral qui respire la solitude. L’ambiance de haute montagne couplée avec les nuages noirs me fait accélérer ; j’arrive au sommet alors que le tonnerre roule doucement contre les falaises. J’avale rapidement la descente, et arrive au lac Chaffour vers 18h alors que la pluie commence. Il y a déjà une famille installée, mais je me pose à côté, à l’endroit exact où j’avais planté mon tarp lors de ma sortie avec Dom et Jjondalar.
Finalement, la pluie ne dure que quelques minutes, et je passe la soirée avec la famille qui m’invite à partager son repas. Ils viennent de passer quelques jours en bivouac dans le coin, redescende le lendemain et ont beaucoup trop à manger. Je me fais un plaisir de les introduire à la MUL en les débarassant de leurs vivres superflus. Ils avaient du melon et du chocolat…
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La météo prévoit de bons orages pour aujourd’hui, c’est pourquoi je décide de changer légérement de plans pour éviter de me retrouver sur les crêtes au moment où ça pête. Je descends au refuge de Rabuons, d’où je prends le sentier des balcons du Mercantour, récemment construit mais déjà abandonné. Quel gâchis. Finalement, il est moins moche que ce à quoi je m’attendais, même s’il n’est pas forcément hyper agréable car très caillouteux. En chmin, je croise une horde de mouflons qui cavale à toute allure dans les rochers, puis des chamois. Au final, c’est un chemin très sauvage qui offre de beaux points de vue.
Je rejoins la crête et passe la frontière sous le pas de Colle Longue, d’où je prends un ancien chemin militaire pour rejoindre le col de la Guercha. Malgré les importants aménagements (murs de soutainement) créé lors de sa construction, on sent qu’il est maintenant très peu utilisé. Dommage, car le secteur est superbe. Au col de la Guercha, toujours pas un seul nuage, sauf au loin vers le Viso. Autant pour les orages. Je me pose pour manger en faisant face à la France. Un groupe d’italiennes me tape la discut’. Quand je leur dit ce que je fais, elles sont impressionnées mais ont surtout peur que je manque d’eau. Elles me remplissent donc une de mes bouteilles avec de l’eau (un peu contre mon gré, c’est de l’eau pétillante et je ne suis pas fan). Finalement, dans l’après-midi, je serais bien content de l’avoir… Au moment de repartir du côté italient, 30 minutes plus tard, je fais face à un immense nuage noir qui avance rapidement. Ah bon…
Je mets donc un coup d’accélérateur pour passer le pas du Bœuf (dont le nom sonne bien mieux en italien : passo del Blu) et rejoindre le col du Saboulé. La séparation du ciel est impressionnante : devant moi il fait magnifique, derrière moi un orage noir se forme. En descendant vers les lacs du Lausfer les premiers coups de tonnerre retentissent. Je décide donc de jouer la sécurité et de descendre dans la vallée, quitte à rejoindre Isola 2000 en stop. Descente rapide mais au sec jusqu’à la route alors que l’orage se déchaine côté italien, puis je commence à remonter en faisant du pouce aux quelques voitures qui vont vers la station. Je n’ai pas beaucoup de succès, je dois attendre près d’une demie-heure pour être pris. Heureusement d’ailleurs, car à peine dans la voiture l’orage éclate.
À Isola, je fais quelques courses (chocolaaaaaaaat) et passe à l’OT faire un point météo. Le temps pour les jours suivants est plutôt mitigé, le surlendemain étant prévu spécialement mauvais. Je dors à l’abri d’un auvent d’un restaurant sur les pistes.
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Je pars assez tôt pour éviter les orages éventuels. J’ai prévu une courte journée, et une nuit dans un bivacco côté italien. J’espère éviter la pluie, même si le ciel est couvert. Au début de la montée, je vois un bout de soleil levant sur les montagnes en face ; ce sera la seule manifestation du soleil avant la fin de l’après-midi. Plus haut, vers les lacs de Terre Rouge, un agneau égaré bêle son désespoir avant que le brouillard ne vienne l’engloutir. Je passe la Baisse du Druos dans le brouillard. Dans la descente, je passe par un énorme baraquement abandonné, autour duquel trainent chamois et bouquetins.
Au lac de Valscura, le brouillard se lève, se qui a deux conséquences : je peux voir la fameuse Argentera, point culminant du massif, et il commence à pleuvoir. Heureusement, l’averse est courte et me laisse tranquille alors que je continue sur les larges chemins pavés de pierres.
Lorsque je rejoins le chemin qui monte au Passo del Valasco, je croise deux traileurs (qui marchent, mais quand même). Vu que ma journée est finie après le col, je décide de les suivre. C’est le col que j’ai franchi le plus rapidement de ma traversée.
Juste au sommet, il commence à pleuvoir à grosses gouttes. Je vois le bivacco sur un monticule en contre-bas, donc je me dépêche. Je monte la butte, pressé d’arriver. Alors que je commence à être trempé, je vois le bivacco… sur la butte suivante. Une descente à l’arrache dans la pente plus tard, je remonte au bon endroit pour atteindre le bivacco en même temps qu’une famille d’italiens.
Nous nous installons dans le bivacco pour manger. Ils sont là à la journée, et vont redescendre après. Ils ont beaucoup à manger, et me proposent de manger avec eux. J’accepte avec plaisir quand je vois leurs pizzas, fougasses et autres gourmandises. Ils n’arrivent pas à croire que je traverse les Alpes avec mon petit sac et mes baskets. Pendant que nous mangeons, la pluie se calme, un groupe arrive, puis un autre… Finalement, la famille libère la place, non sans me laisser une quantité impressionnante de nourriture : pizza,fougasse, mikados, sandwichs au nutella… Sympas les italiens.
Le groupe suivant s’installe et mange rapidement. Nous parlons assez peu. Puis ils laissent la place au 3ème groupe, alors que d’autres arrivent encore. Décidément, ce bivacco a du succès. Les nouveaux occupants ont discuté avec le premier groupe (la famille), qui leur a parlé de moi. Du coup, ils m’offrent encore à manger et des coups à boire (du rouge, beaucoup de rouge, et un coup de digestif). Vraiment, je deviens fan des italiens.
Finalement, le dernier groupe s’installe. Là encore, j’ai droit à des barres céréales et à du pain (frais) avec de la confiture maison. Je termine avec le ventre tendu comme jamais depuis plus d’un mois. J’adore à quel point la montagne peut rapprocher des gens qui ne se connaissent pas et qui ne partagent même pas une langue en commun.
Je passe une après-midi tranquille à terminer mon dernier livre. En début de soirée arrive un couple d’italiens. Lui est réalisateur et a un contrat pour faire un film de promotion du grand parc Alpi Marittime et Mercantour. Il est en repérage avec sa copine (médecin urgentiste qui a un tour de garde le lendemain à 10h dans une ville à plus d’une heure de route). Durant la soirée il réalise un timelapse des nuages avec son impressionnant appareil photo ; le résultat est sublime, et me donne honte de mes photos. :p
Le brouillard revient et tourne autour de nous. Un chamois en profite pour s’approcher, et nous pouvons l’observer à notre aise. Je me couche tôt pour profiter du lit.
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Avant dernière journée avant la dernière journée. En gros, il me reste trois jours, mais je ne compte pas le dernier jour, car il s’agira simplement de relier Sospel à Menton.
Comme prévu, le soleil n’est pas au rendez-vous, même si pour le moment il ne pleut pas. Sur les conseils de Bruno, j’avais prévu de passer par le col Cerise, mais le balisage et mes pauvres cartes ne sont pas d’accord et il y a du brouillard, donc je joue la sécurité en passant par le col du Préfouns pour arriver plus rapidement en France. Au col, comme toujours, il y a un baraquement lugubre comme tout. Je ne trouve pas le chemin pour descendre de l’autre côté (le brouillard me laisse environ un mètre de visibilité), donc je me lance dans la pente. Rapidement, je trouve le bon sentier et descend d’un bon pas.
Comme hier, le brouillard se lève. Je vois du ciel bleu, et je commence à reprendre espoir. Espoir vite douché par l’averse qui s’abat quand je passe le col de Salèse. Le ciel ne fait pas semblant, et la pluie forte ne s’arrêtera pas avant plusieurs heures. J’avance sur le GR comme un robot. Passage sur la route, arrivée au Boréon. Je me souviens que la carte indique que la vacherie des Erps, un peu au dessus, offre un abri. Je monte rapidement pour l’atteindre ; le chemin n’est plus, tout est ruisseau. En guise d’abri, j’y trouve une ruine dont le toit n’abrite jamais plus d’un mètre carré consécutuf et qui est surmonté d’un beau panneau « Danger – Entrée interdite ». Je me sens l’âme rebelle, et surtout le corps trempé, donc je m’y abrite le temps d’une accalmie.
Il est hors de question que j’y reste dormir, donc quand ça se calme un peu je me lance. Le but est d’aller jusqu’au col de Fenestre, où selon refuges.info des baraquements peuvent m’abriter. L’accalmie se maintient et je marche rapidement. Au lac de Trécolpas, la pluie revient, encore plus forte que le matin. Alliée avec le vent, elle rend ma progression difficile. Je passe le pas des Ladres et continue jusqu’au col de Fenestre. J’ai l’impression que le jour tombe alors qu’il est encore assez tôt ; le vent s’engouffre dans la faille du col et me repousse. Je descends à l’aveugle côté italien en espérant trouver le baraquement. Il est une dizaine de mètres en dessous.
Bon, c’est glauque, lugubre, humide, les murs sont verts et les fenêtres cassées ; mais c’est un abri contre la tempête. Je me couche tôt. Sospel est à environ 45km et 2000m de D+. Une petite journée m’attend demain.
Dernière vraie journée, donc. 37 jours de marche, et la mer est enfin à portée de pas. Enfin, c’est ce que je me dis, parce que je vais m’arrêter à Sospel, à une dizaine de kilomètres de Menton. Le but est d’arriver tôt à Nice demain pour acheter un change avant un potentiel train (qui n’est toujours pas réservé, je vais douiller).
En attendant, il faut que j’arrive à Sospel. Je me lève un peu avant 5h et qui rapidement le baraquement. Ça n’aura pas été le bivouac le plus romantique, mais au moins j’ai dormi au sec. Il fait nuit et il y a du brouillard ; j’avais pensé à couper dans la pente pour rejoindre le GR sous le Pas du Mont Colomb, mais finalement je préfère passer par la madone de fenêtre. Ça me rajoute quelques centaines de mètres de D+, je ne suis plus à ça près. :p
Si la montée du pas se fait sans soucis, la descente est moins cool. La caillasse me ralentit pas mal, heureusement que le soleil fête son retour. Un contournement de lac plus tard, je passe au refuge de Nice prendre de l’eau et me renseigner sur la météo. La gardienne, très sympa, va sur internet pour me donner le dernier bulletin de météo france : grand beau !
C’est rassuré que je repare : plus rien ne me sépare de Sospel, à part une grosse trentaine de kilomètre et quelques cols (3 vrais cols à monter). le premier est la Baisse du Basto, très jolie mais là encore pleine de caillasse donc pas bonne pour le rythme. Montée, descente, puis montée à la Baisse de Valmasque qui me fait rentrer dans la vallée des Merveilles. Comme attendu, il y a pas mal de monde dans ce secteur. Au refuge des Merveilles, je reprends de l’eau une dernière fois avant Sospel.
Je monte au pas du Diable sur un chemin bien plus tranquille. Au milieu, une horde de chamois se prélasse à côté du chemin. Tant que je reste à plus de 5m d’eux, je ne semble pas les déranger ; ça change du Vercors. Au pas, je me pose pour manger. Un randonneur vient discuter : il finit le GR5, mais ne sait pas encore jusqu’où il ira ce soir. On se reverra peut-être (en fait non, mais je ne sais pas pourquoi).
La suite de la journée est assez longue. Sospel est à 25km environ, sans grosse montée mais au soleil. Et le soleil est là, et il donne l’impression de vouloir se rattraper de ses deux journées d’absence. Assez rapidement je passe en mode robot pour avancer, reconnectant mon cerveau uniquement pour savourer quelques framboises, dont je croise des champs entiers. En début de soirée, dans la brume au loin, je vois la mer. Ou je crois la voir, je ne sais pas. En tout cas, je sais que je ne suis pas loin.
Finalement, après une longue descente, j’arrive à Sospel vers 20h. J’ai la flemme de chercher un emplacement, donc je vais au camping, histoire d’avoir une douche. Bon, encore une fois j’suis pas fan, ça m’embête de payer 10€ pour un emplacement où je ne peux pas planter les sardines. Mais bon, maintenant que je suis là.
Dernière rencontre avec des italiens : alors que je vais prendre ma douche, un couple voisin m’interpelle pour m’offrir une bière. Je ne sais pas pourquoi. Ils font un road-trip jusqu’à Barcelone et sont super cool. Lui ne parle pas anglais, donc c’est surtout elle qui fait la conversation. Le moment où il ne croit pas ce qu’elle lui dit, à savoir que je viens de traverser les Alpes, me fait bien rire. Moi non plus je n’y crois pas trop.
Douche tardive et dodo à la belle étoile. Demain, j’ai un train à 11h.
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Départ tôt, pour être sûr de ne pas rater le train et pour marcher à la fraiche. Je perds un peu le GR mais continue sur la piste qui me semble aller dans la bonne direction. Des renards effarouchés me suivent de leurs yeux brillants. Passage à une belle petite fontaine, puis dans une chaaigneraie,avant de finir l’avant dernière montée de la traversée. Elle est là.
La mer.
Cette fois-ci plus de doute. Le pas se fait aérien, les pensées légères. J’avale le col du Berceau. Dernier col, dernière montée… Et dernière descente. C’est long, et il fait déjà chaud. Aux alentours de 9h j’entre dans les faubourgs de Menton. Je tourne un peu avant d’arriver au centre-ville, où j’achète des tongs et un t-shirt avant de me diriger vers la gare. Quelques heures de train, et je serais chez moi.
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