Partie 6 : Modane – Larche

Environ 143km, 10000km, 7 jours

La météo prévue pour la fin de journée est plutôt moyenne, et celle de demain assez catastrophique. Comme je n’ai pas encore pris de jour de repos, je décide de m’octroyer des journées tranquilles pour ne pas avoir à marcher sous la pluie. Oui, le temps que j’ai eu a été si bien que je peux même me permettre de ne pas marcher sous le mauvais temps. De toute façon, j’avais prévu depuis le départ de dormir au sommet du Thabor, pour me rappeler une de mes randos précédentes.

Ceci dit, le matin je pars tôt pour me permettre de passer du temps à Modane. Après une descente rapide, je me retrouve dans l’affreux centre de la ville la plus moche de ma traversée. Je passe dans une boulangerie me renseigner : “La Poste ?” “À la gare.” “L’Office du tourisme ?” “À la gare.” “Un supermarché ?” “À la gare.”. En gros, y’a rien dans le centre-ville “officiel”, tout est à la gare. Super la ville… Alors que je repars, le client qui était derrière moi me propose de m’y amener en voiture. C’est plus rapide…

À la gare, je passe à l’OT utiliser un ordi pour lire des cartes (c’est là qu’on sent à quel point j’ai bien préparé mon parcours), puis à la poste pour renvoyer mon piolet. Comme ils n’ont pas de cartons adaptés, que c’est cher et que le piolet ne pèse “que” 250g, je décide de le garder. Enfin, je passe au supermarché (chocolaaaaaat !), et je repars. Il est déjà 11h, et il fait chaud.

Le début n’a rien de fantastique, surtout que je suis déjà passé par là. Au moins, je n’ai pas besoin de me poser de questions et je carbure. Je dépasse le fort du Lavoir, trouve de l’eau dans le jardin d’une maison et continue. Je rattrape un couple qui fait le GR5 et je marche quelques minutes avec eux. Ils sont cools, mais leur pratique de la rando ne correspond pas du tout à la mienne ou à celle qui a majoritairement cours sur ce forum. Ils ont la tente et tout, mais leur programme est fixé, limite à la minute près, malgré le fait qu’ils ont déjà un peu d’expérience sur la rando au long cours. Je trouve ça triste.

Je passe le col de la vallée étroite alors que le ciel se couvre petit à petit. Au lac sous le Thabor, je croise un jeune couple (mon âge), elle se faisant belle dans le lac. Ils m’indiquent une voie alternative pour rejoindre le sommet. En coupant dans les éboulis, on peut rejoindre la crête en s’évitant un détour. J’apprécie. Comme la journée est finie et que demain est un jour de repos, je mets la machine à fond et fais du 7 ou 800m de D+ à l’heure.

J’arrive à la chapelle alors que quelques gouttes tombent. Je m’y installe et commence à lire (pour changer), mais finalement le ciel se dégage en fin d’après-midi. Ça me permet d’admirer un paysage magnifié par les nuages qui tournent autour.

Au moment de me coucher, je me rends compte que la porte ne ferme pas, et que je suis en plein dans un courant d’air. Après quelques hésitations (vraiment, j’ai pas la foi pour ressortir de mon lit douillet), je bouge mon camp de l’autre côté de la petite pièce, au second endroit où le sol est le moins penché.













La nuit a été affreuse. Beaucoup, beaucoup de vent, de l’orage, de la pluie… Près de la moitié de la pièce est mouillée malgré la porte repoussée. Je suis quand même content d’avoir eu un abri en dur pour la nuit. J’attends une amélioration avant de partir, ce qui me permet de lire jusqu’à 11h. Je pars ensuite dans le brouillard. À part des nuages et de la pluie, je ne verrais pas grand chose de la journée. Dommage, le parcours a l’air superbe. La descente vers je ne sais plus quel refuge est longue, limite tout en faux-plat descendant. À la fin un petit mur me donne quelques frayeurs, car mes chaussures plates n’aiment pas trop la terre trempée.

C’est donc plus ou moins humide que je finis ma journée, après à peine 10km et 400m de D+. Je me pose au camp des Rochilles, qui laisse une pièce à diposition des randonneurs. C’est glauque à souhait, mais sec et avec des matelas (luxe ultime). J’y passe une aprem tranquille à lire. Avec une feuille de polycree, les matelas sont parfaits pour rattraper mon sommeil en retard.

[

Réchaud de qualité (et pub pour Coca)


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC01872.JPG)

Durant la nuit, une voiture vient se poser à côté. Ça me fait plus ou moins flipper, mais (bien entendu) ce n’est qu’un couple de randonneur qui arrive “un peu tard”. Merci pour le coup de stress. Mais ça me permet de voir la lune éclairant mieux qu’un phare le paysage de falaises. C’est assez sublime.

Au petit matin, les nuages se sont fait la malle. C’est mieux comme ça, donc aujourd’hui je peux marcher. Je pars assez tard, retenu plus que de raison par le matelas. Je passe au lac des Cerces où des bivouaqueurs se réveillent. Un peu plus loin, à la faveur d’un patou hargneux, je rencontre un petit groupe. Ils ont bivouaqué au lac, et le regrettent. La suite se fait sur un GR, où je croise un peu de monde. Finalement, quand je tourne vers le col de l’Aiguillette, je me retrouve seul. De là, je prends un long sentier en balcon jusque sous le col de Granon. Je continue avec trois kilomètres de bitume sous le cagnard pour rejoindre le col.

Enfin, je rejoins la superbe crête de Peyrolle. L’eau se fait rare, je sens que je viens d’entrer dans “le sud”. Je dois donc continuer assez bas pour retrouver une fontaine. Je dors juste au dessus de Briançon, près pour attaquer le Queyras demain.







Je passe assez tôt dans Briançon endormie. Le temps d’acheter des cartes postales et de me poser devant un délicieurs chocolat chaud pour les écrire, les supermarchés ont ouvert, donc je passe me ravitailler (chocolaaaaaat) et doubler ma capacité en eau (je passe à 2l). J’en profite pour jetter mes restes de purée en poudre, mon réchaud et mon alcool : j’abandonne officiellement la cuisine chaude.

Je dois ensuite marcher longuement en ville pour rejoindre Villar. Je ne suis pas le GR5, qui fait n’importe quoi, mais je le retrouve à la sortie de Villar et le suis jusqu’au col. La longue montée sur la piste n’améliore pas mes sentiments envers les GRs. Sous les chalets des Ayes, je croise un berger qui fait une mii-transhumance en 4×4. Décidément, tout se perd. :p

Après les chalets, je retrouve un bon sentier pour monter au col, ça fait du bien. Après une courte descente, je quitte le GR et sa foule pour retrouver un PR et sa foule. Après un petit moment, je coupe dans la pente pour rejoindre le sentier du col du Lauzon, une belle brêche dans la falaise. Plus bas, le lac du Lauzon fait grise mine, mais à côté se trouve une bonne fontaine. Alourdi par l’eau, je descends dans Belle Combe, qui porte bien son nom et où se trouve une petite cabane bien sympa. Je continue à travers les impressionnants mélézes bien droits et remonte vers le plan du vallon. 30km, 2000m de D+, du vent et une cabane : je m’arrête là pour la nuit.


[

Les beaux mélèzes du Queyras


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC01955.JPG)

La météo annonce un temps maussade, donc j’ai la flemme de me lever. Je ne pars que vers 8h, mais avance d’un bon pas et avale rapidement le col. Des patous m’aboient dessus, mais ils sont beaucoup moins impressionnants avec la petite gorge qui nous sépare.

Au refuge de Furfande, je vais à la pêche aux infos météo, sans succès. Mais bien que nuageux, le ciel n’est pas menaçant et laisse même apparaitre du bleu. Toute la journée, ce sera alternance de nuages lachant quelques gouttes avec des moments de soleil. Je dois redescendre dans la vallée pour remonter en face. J’y vais d’un bon pas, mais je perds le GR (je ne sais toujours pas comment j’ai pu rater l’intersection) et fais un petit détour.

De l’autre côté je monte au col Fromage. C’est assez long, mais je croise deux chevreuils qui me contournent dans un bruit de tonnerre. Enfin, je m’attaque au dernier col de la journée. En chemin, je croise un patou désœuvré et des randonneurs qui pensent que c’est mon chien. Du col des Estronques, je plonge dans la vallée de Saint-Véran en m’arrêtant en chemin pour reprendre de l’eau dans des suintements.

Déjà 2000m de D+. Je débranche le cerveau et prend le rythme de la lente montée vers le lac de la Blanche. Je n’avais pas prévu y bivouaquer avec huit (!) autres tentes, mais je n’ai pas la foi d’aller voir ailleurs.


Une journée sympa m’attend aujourd’hui, donc je pars assez tôt. Une franche montée plus tard, et je suis au col de la Noire, d’où j’atteins facilement la petite tête de la Noire. Superbe vue sur la haute Ubaye, et notamment les objectifs de la journée : Mont de Salsa et Bric de Rubren. Ça me permet de repérer un cheminement logique pour la suite. Je redescends et contourne les lac de Longet. Juste après, je marche presque sur une femelle lagopède et ses petits, qui s’éparpillent dans tous les sens. J’espère que la famille s’est reformée.

Je discerne des sentes, mais impossible de savoir si elles sont humaines, animales ou aquatiques. Au dessus du beau lac du Loup, je me retrouve face à un gros pierrier qui fait peur. Heureusement, une sente bien cairnée me permet de le remonter assez facilement jusqu’au pas de Salsa. Après avoir contourner une petite barre, je peux monter au sommet moyennant un passage fatiguant dans du sable gravilloneux. Je suis en haut juste avant la fameuse nebia. La descente dans le sable est super rapide, et je suis rapidement au bivacco du lac de Rubren. Y passer une nuit doit être fantastique, mais il y a toujours du monde.

J’enchaine avec le Bric de Rubren, mais au sommet la nebia vole la vedette au paysage. Je discute rapidement avec le petit groupe au sommet, qui m’apprend la prononciation italienne d’un des cols que je veux faire le lendemain : le col de Ciaslaras, à prononcer “Chiasse la race”. Classe.

La descente est longue (j’ai l’impression de souvent dire ça). Je croise un adepte de la rando-nue, qui se pose rapidement contre un rocher en mettant son t-shirt devant lui quand il me voit. Pas sûr qu’il ait choisi le bon coin pour en faire, vu la fréquentation. Au niveau de la cabane de Rubren, je surprends un patou à moitié endormi alors que le troupeau de mouton est contre le chemin. Ça le vexe, et il se venge en m’aboyant violemment dessus. Gros coup de stress.

Un peu avant Maljasset se trouve le sublime plan de Parouart, qui fait penser à une mangrove, ou à un marécage d’eau vive. J’adore.

Enfin, j’attaque la dernière montée, assez lentement. Je ne suis pas dans une forme olympique, et je suis plutôt content d’arriver aux lacs Marinet. C’est là que se trouve le dernier glacier rencontré durant ma traversée. Je me pose dans la cabane, où se trouve déjà un couple. Je ne serais pas seul, ce qui n’est pas pour me déplaire.

Au final, il s’avère que lui est un MUL (ou l’a été :p) inscrit sur RL : c’est [url=http://www.randonner-leger.org/forum/profile.php?id=592]Moumou[/url], qui a converti sa copine E. à la grande randonnée. Nous passerons une soirée très sympathique, à peine perturbée par le passage d’un immense troupeau de moutons qui fait peur à certaines personnes. :p

Alors que je m’inquiète de les réveiller le lendemain matin, il s’avère qu’ils vont se lever vers 4h pour aller voir le lever du soleil depuis un col. Il est convenu que si je suis réveillé (ce que je serais forcément) et si j’ai la foi (ce qui est bien moins sûr), je les accompagnerai.

[

En face : mont de Salsa (centre gauche, 3315m) et Bric de Rubren (3340m), mes objectifs du jour


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC01981.JPG)



[

Au passage, je dérange une lagopède et ses oisillons


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC01994.JPG)

[

Le « chemin », c’est en face


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC01995.JPG)







[

Dernier glacier…


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC02022.JPG)

[

Palace pour la nuit


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC02026.JPG)

Je me suis levé ! Et après 1h30 d’effort dans un terrain pas toujours bon, nous assistons à un lever de soleil superbe depuis le sommet du Ciaslaras (3002m). Pour la suite, j’ai prévu une journée assez tranquille pour arriver tôt à Larche et avoir le temps de recharger mes batteries. Pour le moment, nous continuons ensembles et frachissons le Colle del Infernetto. Il est raide, exposé, mais équipé et finalement assez facile. En haut, nous nous séparons (1ère édition des adieux) et je continue en direction du col de la Gypière, où j’arrive en même temps que la nébia. Une bande de scout gueule à tout va son amour pour Dieu, ça fait un peu peur. Je monte à la tête de la Fréma (12ème 3000), d’où le paysage est beau. Il serait superbe si les nuages allaient voir ailleurs.

Je descends vers le pas de la Couletta. En dessous, je passe devant une cabane de berger et m’arrête demander de l’eau à la bergère. Elle m’indique leur source, un peu en contrebas du chemin, et nous restons un bon moment à discuter. J’apprends que lors du dernier recensement, sept loups ont été comptés dans le secteur. Elle me donne aussi des indications pour monter au Massour et au bivacco du sommet. J’ai vraiment envie de le faire.

Je repars en coupant par des drailles pour rejoindre le col du Vallonnet. J’y retrouve Moumou et E., et nous repartons ensembles. Finalement, ils changent un peu leurs plans et viennent avec moi jusqu’à Larche. Dans la descente finale, nous doublons un groupe. Petite incompréhension avec eux, car nous ne leur disons pas bonjour. (Bouh, méchants les MULs).

À Larche, nous prenons une conso réparatrice. E. commande l’omelette au fromage qui la fait fantasmer depuis quelques jours. Nous blaguons sur la micro-nano-épicerie du camping, et sur qui la dévalisera en premier. Ce sera probablement eux, vu que je passe d’abord m’installer au gîte. Nous réitérons nos adieux, 2ème édition.

J’ai réservé le gîte hier, mais il n’y avait plus de place (décidément…). La gérante m’avait quand même dit de venir, en disant qu’on s’arrangerait. En effet, elle me trouve une place dans une mezzanine, où finalement je serais probablement mieux que dans un dortoir. Elle me prévient qu’il y aura peut-être l’accompagnateur d’un groupe qui dormira avec moi en haut.

Ensuite je pars faire quelques petites courses (chocolaaaaaat) à la petite épicerie. Le gérant est très froid, le choix minimal et les prix dignes de la Suisse : je ne recommande pas. J’y croise Moumou, qui attend E. qui est aller prendre une douche avant qu’ils repartent bivouaquer plus loin. Troisièmes adieux.

Au gîte, je retrouve le groupe de la descente. J’ai un peu du mal avec eux, car ils ont un état d’esprit un peu bizarre. Des taxis leur portent leurs valises (oui oui, des valises entières) de gîtes en gîtes pendant qu’ils font le GR5 avec l’accompagnateur. C’est un autre monde… Mais ils me donnent leur surplus de riz, ce qui me va bien. Je décide de prendre le petit déjeuner au gîte, et vais me coucher à 20h. À partir de demain je rentre dans le Mercantour, la dernière ligne droite. Je ne peux m’empêcher de compter les jours jusqu’à la mer.

[

Un vrai 5*


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC02030.JPG)

[

Lever de soleil depuis le Monte Ciaslaras (3002m)


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC02036.JPG)





[

Au centre, le Colle Del Infernetto


](https://nullepartetailleurs.fr/photos/alpes2015/images/DSC02069.JPG)








Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *